Astral

Chapitre 11

Moi qui pensais que ma mère ne s'intéressait pas au shifting, j'étais donc loin d'imaginer qu'elle connaissait l'organisation me maltraitant depuis quelques mois. La feuille en question était une fiche d'identité de ma mère. Sa photo était collée mais ce que je ne comprenais pas c'est que son nom et prénom étaient erronés. Elle répondait au nom de "Marie Rondet" et non "Prune Meyer". Mon monde s'écroula quand je compris qu'elle faisait partie intégrante de l'organisation. Cachées au milieu de mes dessins, seulement trois feuilles sur Démalion. La première étant sa fiche d'identité. Il n'était mentionné nul part qu'elle avait un enfant et il était même notifié qu'elle était célibataire. Une ligne importante me sauta aux yeux : "Statut : Conseillère juridique-shifteuse". Si mon don se réveillait, alors il venait probablement d'elle.  Mais c'était insensé. Ma mère a passé son diplôme d'infirmière après ses études et elle a toujours exercé ce métier et ce jusqu'à sa mort. Pourtant les dates prouvaient bel et bien qu'elle a fait partie de l'organisation pendant près de 5 ans. Elle avait donc une double vie. J'essayais de me remémorer les moments où elle avait pu quitter la maison pour cette activité. Mais à part son travail, elle pratiquait seulement la danse de salon. Hélas je ne savais pas quel était le nom du club. J'en parlerai à mon père plus tard. Ce qui fit encore moins sens dans tout ça c'est son certificat de santé chez Démalion datant de février 2010. Elle était en parfaite santé avec aucun cancer à déclarer. Or, elle est décédée en août 2010 suite à son cancer du poumon qui avait été déclaré depuis octobre 2009. Soit elle leur a menti, soit elle n'a jamais été malade. Et si ma mère était toujours en vie ? Après tout, je n'avais jamais vu son corps. Évaluée trop jeune par mon père pour supporter ça, je n'avais vu que le cercueil s'enfoncer dans la terre. Je posais les documents au sol et me passais les mains sur mon visage. Il avait fallu d'un simple rêve pour que ma vie bascule. Une simple rencontre pour me rendre compte que tout ce à quoi j'avais idéalisé, n'existait pas. Je me tirais les cheveux pour me forcer à ne pas pleurer. Mon père devait avoir vu le corps et devait connaître le nom du club. Pourtant, son dossier médical avec les radios était présent dans ses affaires. Et nous l'avions vu malade qui devait faire des séjours à l'hôpital. Et si ces séjours n'étaient que des prétextes ? Tout s'expliquait... Le pourquoi elle n'avait jamais voulu faire de chimiothérapie, les fois où elle ne voulait pas qu'on lui rende visite sur son lit d'hôpital pour ne pas que nous ayons pitié d'elle. C'était une belle actrice. Une rage commençait à naître dans ma poitrine. Pourquoi nous avoir menti ? Pourquoi nous avoir abandonné ? On aurait pu l'aider, on aurait pu fuir si elle était en danger. Une lueur d'espoir jaillit en moi. Si cette maladie était fausse, alors peut-être était-elle encore en vie. J'avais envie d'y croire. Je repris les documents en main et me forçais à ne pas trembler. Je parcourais les lignes mais n'y trouvait rien prouvant son existence. Aucune date ne dépassait celle de sa mort. Les deux autres feuilles sur le sujet, étaient des recherches, des notes qu'elle avait sur l'organisation. Des données purement juridique dû à son statut j'imagine, mais aussi des recherches sur l'organisation elle-même. Mon sang se glaça quand je lus le titre d'une recherche scientifique : "Expérience 38- Sérum DXX sur sujets infantiles". Ma mère avait écrit à la main des phrases parfois non terminées, ce qui rendait le document difficile à comprendre. De ce que je comprenais, le gêne du shifting se transmettait par le chromosome X, gêne de l'intelligence et des capacités cognitives. L'hypothèse de recherche était que les femmes sont à l'origine première de la transmission génétique étant donné que celles-ci possèdent deux chromosomes XX, tandis que les hommes sont définis par XY. Les notes étant floues, je ne comprenais pas qu'elle était ce fameux sérum DXX. Ni si l'hypothèse était confirmée. Tout ce que je pouvais assurer, c'était que cette expérience avait fait 38 morts sur 50 et qu'un tiers avaient développé des mutations génétiques physiques en effet secondaire. C'était écœurant. Des enfants étaient morts. J'avais en ma possession des expériences humaines illégales. Mon don pouvait effectivement venir de ma mère mais j'avais bien peur aussi qu'il puisse venir d'une de leurs expériences si jamais ma mère en était la créatrice. Cependant que venait faire une conseillère juridique dans des recherches scientifiques ? Est-ce qu'elle aidait à la programmation de l'expérience ou essayait-elle de rassembler des informations pour les dénoncer ? Je n'en avais pas la moindre idée mais la dernière proposition de mon cerveau me donnait envie d'y croire. Je pris les feuilles intéressantes et rangeais le reste comme ça l'était à l'initial. Mon père n'avait jamais fouillé dans ses cartons et j'étais au final bien contente qu'il n'ai pas appris tout ça. Je pense qu'il aurait été détruit. Ce que je ne comprenais pas c'était pourquoi ils étaient aussi mal cachés. Comme si elle savait d'avance que mon père n'aurait jamais regardé à l'intérieur de ses affaires. Ou comme si elle avait choisi le dossier à mon nom pour que moi je le trouve... Elle était au courant de ce que faisait Démalion. Et ses recherches prouvent bien qu'elle savait aussi que le don du shifting était héréditaire. Alors pourquoi ne m'en avait-elle jamais parlé ? Ça me rendait dingue. Je repartis dans ma chambre et cachais dans mon sac les documents que je venais de voler. Désormais, il fallait que je réfléchisse plus avant d'agir. Il fallait faire attention à ce que Démalion ne fasse pas le lien entre Marie et moi. Si ma mère avait prit un faux non et si elle ne m'en avait jamais parlé-ou du moins pas eu le temps-c'est qu'elle voulait sûrement me protéger. Si ça se trouve, l'organisation avait déjà compris que Marie était en fait Prune.