Chapitre dix.

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Décembre 2025

— S'il vous plaît, vous pouvez vous calmer ? Je vous trouve bien agité pour un début de semaine.

Elio soupira face au regard contrit de ses élèves. Il fit le tour de son bureau pour se mettre devant, s'appuyant contre ce dernier, croisant les bras sur son torse.

— C'est la dernière heure de cours de la journée pour vous comme pour moi. Faisons en sorte que ça se passe bien pour tout le monde, ok ?

Le rouquin savait qu'il avait la chance d'avoir l'affection de ses élèves. Quand il avait commencé ce métier, six ans auparavant, il avait eu peur de ne pas être à la hauteur. Il se connaissait, il connaissait ses angoisses, son anxiété, sa peur des autres... Mais dès la première fois, il avait compris qu'il s'était trompé. Comme à l'époque du lycée où il n'avait pas peur de prendre la parole en classe pour répondre aux questions des professeurs, enseigner à des élèves lui avait paru facile. Il faisait ce qu'il aimait : parler de littérature, anglaise ou étrangère. C'était sa passion et peut-être que les élèves l'avaient ressenti. Elio n'en savait rien mais il s'estimait chanceux... Cela lui arrivait d'en avoir quelques-uns difficiles mais les problèmes se réglaient relativement rapidement. Dans tous les cas, sa classe de la dernière heure du lundi soir était la plus facile et la plus gentille.

— Bon, il nous reste à peine cinq minutes alors on va faire ce que vous préférez...

— L'instant découverte !

Elio esquissa un sourire. Il avait instauré cela deux ans auparavant. Les cinq dernières minutes de cours, il choisissait un élève et ce dernier devait lire aux autres un poème, un texte ou juste un extrait pour le faire découvrir. Il s'était rendu compte que cela les stimulait et leur donnait encore plus envie de s'investir.

— M'sieur, pour ce soir, est-ce que ça peut-être vous qui fassiez l'instant découverte ?

Le rouquin haussa les sourcils.

— Moi ? Si vous voulez. Vous vous doutez bien que j'ai des dizaines et des dizaines de textes que je veux vous faire découvrir.

Il alla fouiller dans la petite bibliothèque qu'il avait et en sortit un recueil de poèmes. Il feuilleta rapidement le bouquin puis revint s'appuyer sur le devant de son bureau.

— C'est un poème de Sully Prudhomme, un poète français. Un de mes préférés, qui se nomme « Ce qui dure ». Je vous lis la traduction anglaise et si cela vous plaît, on pourra l'étudier d'ici la fin de l'année.

Elio eut un léger sourire en voyant que tous ses élèves étaient pendus à ses lèvres. Il commença sa lecture.

Le présent se fait vide et triste,
Ô mon amie, autour de nous ;

Le rouquin était en train de lire quand un mouvement près de la porte attira son attention. Jetant un œil furtif, il remarqua Maé dans le couloir. Elio se pinça les lèvres. Ils ne s'étaient pas reparlés depuis leur séance de cinéma vendredi soir. Certes il y avait eu le week-end entre temps mais aujourd'hui, Elio avait tout fait pour l'éviter. Ce n'était de toute évidence pas au goût de Maé. Le professeur de littérature reposa les yeux sur son recueil. A vrai dire, il connaissait le poème par cœur, aussi ferma-t-il le bouquin pour continuer.

Pourtant quelque chose demeure :
Je t'aime avec mon cœur ancien,
Mon vrai cœur, celui qui s'attache
Et souffre depuis qu'il est né.

Elio jeta un nouveau regard à Maé. C'était plus fort que lui. Réciter ce poème lui faisait beaucoup trop penser à ce qu'il avait pu ressentir pour lui, à ce qu'il pouvait encore ressentir...

Notre amour pour seule limite [BxB] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant