Chapitre cinq.

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Novembre 2012

— Ah Elio, tu es encore là.

Le rouquin leva les yeux vers le coach Witham. Ce dernier venait de revenir dans son bureau, pour y découvrir Elio, assis par terre dans un coin avec sa lunch box. Depuis qu'il avait été pris comme remplaçant dans l'équipe de basket trois semaines avant, le jeune Everlast venait souvent se réfugier ici pendant les pauses. Le coach s'en fichait, il s'était pris d'affection pour ce gosse qui avait l'air bien seul et totalement paumé dans sa vie. Il vit d'ailleurs Elio remuer nerveusement les jambes.

— Oui je... Toutes les tables du self étaient prises alors... Mais si ça vous dérange coach, je peux m'en aller.

— Mais non, restes donc.

Witham alla s'asseoir à son bureau et désigna le fauteuil en face.

— Assieds-toi au moins sur quelque chose de confortable au lieu d'rester par terre, p'tit gars.

Elio hésita quelques secondes puis se leva pour venir prendre place en face de son coach. Il posa sa lunch box sur un coin du bureau, sans l'ouvrir cependant. Witham lui jeta un regard par-dessus ses lunettes de vue.

— Tu n'avais personne avec qui déjeuner ?

— Je n'ai jamais personne avec qui déjeuner, coach. Normalement, je trouve toujours une table vide pour m'y installer mais là, y'en avait aucune et je... Enfin, je n'aime pas demander aux gens si je peux m'asseoir avec eux.

Le coach s'adossa dans son fauteuil, sans quitter le jeune des yeux. Quelque chose chez ce gamin le touchait, il voyait bien qu'Elio avait besoin d'aide, besoin de quelqu'un à qui parler, d'un endroit où se sentir en sécurité.

— Tu n'as pas un ami avec qui manger ?

— Est-ce que c'est trop pathétique comme réponse si je vous dis que je n'ai aucuns amis ? Souffla Elio.

Pour se donner une certaine contenance, le jeune homme se décida à ouvrir sa lunch box, qui ne contenait que du raisin. Il en prit un grain, qu'il avala. Il vit Witham hausser les sourcils.

— C'est ton repas ?

— Oui.

— Tes parents ne vérifient pas ce que tu emportes à manger pour le midi ? Enfin p'tit gars, j'suis juste ton coach mais ça là, tes graines, c'est pas suffisant pour tenir une journée.

Elio reprit un grain de raisins et haussa les épaules.

— Mes parents ne sont pas souvent à la maison. Déplacements pour le travail. Et de toute façon quand ils sont là, c'est comme si j'étais invisible.

Le jeune homme sortit de son sac une gourde pour boire une gorgée d'eau. Witham continuait de l'observer. Si, au début, Elio parlait peu, le coach constatait que plus le rouquin venait se réfugier dans son bureau, plus il était bavard. Comme si le fait d'avoir trouvé une oreille attentive le soulageait.

— Ils ne s'intéressent qu'à mes notes. Continua Elio, en faisant tourner pensivement un grain de raisin entre ses doigts. Pour le reste... Je crois que je ne suis pas vraiment le fils qu'ils espéraient. Alors je me débrouille pour avoir toujours des A, dans toutes les matières, ça me donne la sensation d'exister un peu à leurs yeux.

Witham se sentait démuni face à la détresse flagrante qui émanait d'Elio. Il parlait avec désinvolture, comme si cela n'était rien, mais le coach voyait bien à sa posture, son regard, qu'il souffrait. Et cette souffrance était de toute évidence bien ancrée, depuis des années.

Notre amour pour seule limite [BxB] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant