Prologue : une sardine sous la pluie

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Sous le ciel pluvieux, et dans la fraicheur printanière Cathy frissonne, trempée des pieds à la tête, les mains prises par un petit carton. Dedans : une peluche, des feuilles, et une pauvre plante verte en pleine introspection sur son existence, à l'image de sa propriétaire.

Un grondement sourd résonne, suivi d'un claquement.

Jamais le tramway ne s'est fait autant attendre. Lorsqu'il arrive : il a tout d'une boîte de sardines, à l'huile bien sûr. Les yeux vitreux des voyageurs fixent Cathy, priant pour qu'elle ne veuille pas entrer et comprimer davantage le banc de poissons.

La jeune femme soupire et laisse le tramway partir sans elle. Un peu de marche sous une pluie glacée ne peut pas lui faire de mal, Cathy est du genre robuste. Elle remonte les rails depuis le trottoir, les pensées plongées sur ce qui vient de se produire dans son petit quotidien.

Tout allait bien jusqu'ici. Deux ans de loyaux services à la bibliothèque municipale.

Vraiment, tout allait bien. Jusqu'à l'arrivée de Jean-Kevin. Vous savez ce genre mec habillé avec des pinces, le regard fiévreux, et dont la chemise poisseuse trahit un manque de respect pour autrui. Le type de personne qui vous demande de lui faire son café, vous met une main au cul, et déclame des sous-entendu dignes du top "Beauf de France" : une personne que vous avez envie d'envoyer au fond de l'étang de Bherk, à coup de pied dans les valseuses.

Cathy soupire : elle aurait dû le faire, plutôt que de se l'imaginer. Le résultat aurait été le même.

Car Jean-Kevin a décidé de prendre son poste. Et comme il est le fils de Mme la maire, il l'a eu. Cathy est donc partie avec une tape sur l'épaule et un chèque : de quoi tenir, le temps de trouver un nouveau travail. Mais... les bibliothèques, ça ne court pas les rues de Vitrouble : elles ne sont pas assez larges de toute façon.

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— Qualité recherchée : esprit d'équipe...

Lit Cathy sur une énième annonce, la  vingtième, la trentième, ou quarantième. Ce genre de phrase lui tire une moue boudeuse : évidemment qu'on cherche quelqu'un qui a l'esprit d'équipe. Imaginez-vous deux secondes déclarer en entretien :

« Oh, vous savez moi, je hais mes collègues : j'adore cracher dans leur café tous les matins ».

Elle ferme son ordinateur portable en râlant. Elle cherche un emploi depuis deux mois. N'importe lequel. Personne n'aime rester inactif, si ce n'est quand on a trop à faire, et jamais -vous avez  remarqué ?- quand on en a l'opportunité.

Elle a pourtant essayé de traverser la rue, comme recommandé par le gouvernement. Cela n'a rien donné. Serveuse ? Encore faut-il qu'il y ait des restaurants : eux aussi ne courent pas les rues. Elle a tenté de postuler en tant que caissière, mais la concurrence est féroce. Pour la manutention on lui a dit qu'on préférait recruter des débutants, plus exploitables. Trop jeune, trop vieille, pas le bon diplôme, trop expérimenté, pas assez, etc. On connaît tous la chanson.

Cathy saisit la télécommande et allume la télé. C'est l'heure du JT local, rien d'intéressant : c'est une ville où il ne se passe pas grand-chose. Le genre d'endroit composé d'étendues de bâtiments HLM grisâtres et de quartiers pavillonnaires, des parkings à perte de vue, un centre commercial fourre-tout, des parcs ridicules, des policiers plantes vertes, un centre médical ouvert uniquement deux jours sur sept, et une mairie joliment fleurie.

Le soir tout est fermé après 22 h 30 en dehors d'un fast-food connu et d'un kebab, face-à-face dans une guerre ouverte : littéralement. On se souvient tous dans le quartier du conflit burger contre pain pita. Oui, la seule distraction c'est la nourriture. Littéralement.

À la télé Madame Pervenche, la maire, parle de sa réélection. Cathy pousse un grognement. Cette vieille peau s'autoélit depuis des années. Elle a fermé le cinéma de la ville depuis 5 ans et les centres culturels, muré la plupart des bars, interdit les concerts en extérieur : tout ce qui peut animer une ville en soi. Seuls les vieux cons votent ici. Et les vieux cons, ça n'aime pas le bruit.

Dépitée par ce constat, Cathy décide de zapper au moment où un journaliste prononce le nom de « Corporate ».

Au pied de la ville, s'élève cette immense tour noire, dont on ne voit pas le sommet. Personne ne sait vraiment ce qui s'y passe, mais une chose est sûre : tout le monde veut y travailler. Mais on y croit comme on croit au père Noël. Le journaliste tient dans sa main un exemplaire d'un magazine avec le logo de l'entreprise.

— J'ai dans mes mains un exemplaire du fameux magazine annuel de Corporate qui sort demain ! dit-il tout excité. Les dernières innovations sont prometteuses ! Nous pouvons être fiers d'avoir une telle entreprise en France.

Et il enchaine, parlant des dernières évolutions en matière d'IA, domotique et robots ménagers : les spécialités de Corporate, mais pas que. La jeune femme se souvient que l'entreprise s'est fait connaitre avec la première plieuse/repasseuse instantanée, l'imprimante à perruques, ou encore une recette de cookie révolutionnaire.

— N'oubliez pas qu'un seul exemplaire de ce magazine contient un coupon d'embauche pour avoir une chance d'être recruté ! continue le journaliste à la télévision.

— Mais Thierry, quel PDG recruterait ses employés de la sorte ? s'exclame son confrère Alain Bourdiche, en tapant sur du plat de la main sur la table. Les Français veulent savoir ! , 

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Disclaimer ! Ce récit ne se veut pas du tout réaliste, merci de laisser votre 1er degrés sur le pas de la porte, et de procéder à une suspension consentie de votre incrédulité !

Les Traumavestissements suivants sont présent dans l'histoire, et vous seront rappelé en tête des chapitres concernés : violences conjugales, abus sexuels. Certaines scènes peuvent contenir du sang.


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Bienvenue à Corporate [Romance paranormale]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant