Mission 8 : ne pas le laisser entrer...

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À Corporate, les jours se suivent et ne se ressemblent pas : il se passe toujours quelque chose d'inattendu. Nous sommes vendredi, 16 h, et Mika sort de la salle de lancer de hache détendu, il a l'air de s'être bien défoulé. Luan et Cathy font un tas de suppositions sur son besoin de déferler sa colère sur de pauvres cibles innocentes. Il y a trop de possibilités, mais dans leur top 3 se trouve :  Al, une agrafeuse et un bigoudi.

C'est quelque chose que Cathy a appris sur Mika en quelques jours : tout l'énerve. Sauf son équipe. Avec elles le manager fait de son mieux pour être poli et patient. Le jour où l'échafaudage s'est effondré, il avait vraiment rongé son frein pour ne pas exploser. 

— Bon, je me sens prêt à monter prendre le goûter. Allons-y. 

Les trois comparses se dirigent vers la cafétéria. Des détails taraudent Cathy : Mika a pris sa batte de baseball et ses manches sont retroussées. Luan, quant à elle, s'est faite une cape avec un édredon. 

— Dites... C'est un vrai goûter ? elle triture le bas de son sweat.

Luan lui répond avec son flegme naturel, les mains sur les hanches : 

— Chaque vendredi, le Happiness organise une "Cookie party", Luan remarque que sa collègue ne quitte pas des yeux l'arme de leur manager. Il arrive qu'il y ait des débordements.

Mika roule des mécaniques comme un boxeur prêt à entrer sur le ring, ce qui ne rassure pas Cathy qui se demande dans quoi elle s'embarque encore. Ses épaules se raidissent, ses muscles se tendent : prête à plonger au sol si besoin.

Les portes s'ouvrent sur la cantine. Des centaines et centaines d'employés discutent en dévorant divers cookies disposés dans de grands bocaux de verre. Un groupe compare leur biscuit comme on compare des cartes de visite. Des gens de la compta se discutent du prix des ingrédients de chaque recette. Un Boys Band, en chemises hawaïennes ouvertes, donnent des noms de femmes à leur biscuit. Au loin, Vincent discute avec des inconnues sur la difficulté de compter les pépites de chocolats par recette. Et puis il y a ceux qui font des montages en Cookie, ou un tournois de mikado-cookie.

Par réflexe Cathy, cherche Al du regard. Mais il ne semble pas être du genre à participer aux événements. S'exclut-il de lui-même ?

Tout a l'air de bien se passer et l'ambiance se veut conviviale. Cathy aperçoit au loin le dernier Cookie au chocolat noir aux fèves Tonka et, comme une enfant insouciante à Disneyland, marche d'un pas déterminée vers le bocal, toute seule. 

Après inspection à travers le verre : le cookie a l'air normal. 

Un regard à gauche, un regard à droite, puis sa main plonge dans le récipient pour saisir le dernier biscuit. Mais au moment de le porter à sa bouche un mouvement attire son regard : quelqu'un lui jette un canard en plastique avec une telle force que le pauvre est compressé par la gravité et la vitesse. 

Avant qu'il ne touche son visage, l'objet est renvoyé à l'envoyeur avec violence, accompagné d'un cri entre le "coin" et "ouin". 

Cathy pose les yeux sur son manager qui vient de réaliser un superbe "home run" : le canard atterrit sur la tête de Karim et l'assomme.

— Pas touche à ma Cathy ! 

Menace-t-il pour dissuader quiconque d'assez fou pour recommencer. Cathy a le cœur qui cogne dans sa poitrine. Encore une après-midi intense en vue.

Un silence envahit la salle. Les regards se toisent. Une tension monte. Et comme dans un village d'irréductibles Gaulois tout ce beau monde se jette les uns sur les autres en hurlant de jolis jurons fleuris "sale décapsuleur de machettes moldave !", "stagiaire en tire-fesses  !", "espèce de contrefaçon de fan de mérous !" et bien d'autres. 

Bienvenue à Corporate [Romance paranormale]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant