Mission 15 : revenir ?

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Le lendemain matin, l’ambiance est particulière dans le bureau de Vincent. Ce dernier est accoudé sur sa table, les mains croisées devant lui. Il est désappointé et ne s’en cache pas. Dans un fauteuil en face de lui, Daniel se pince l’arête du nez. Al est assis à côté, le regard bas avec un gros pansement sur le coin de sa pommette. Son petit air de chien battu est beaucoup trop attendrissant.

Vincent se racle la gorge et recentre son attention sur la convocation du plus célèbre et unique SPF, Sans Poste Fixe, de l’entreprise

– C'est la première fois que tu me déçois, Al. Une employée a quittée un couvre-feu sans le protocole de "Reset". Maintenant il nous est impossible de lui effacer les deux dernières heures de sa mémoire. Il soupire. Son médecin lui a donné 3 jours d'arrêt maladie.

Al ne bouge pas, le regard perdu. Vincent se tend sur sa chaise.

– C'est un risque : il faudrait peut-être penser à mettre fin à son contrat prématurément.

– On devrait attendre. S'interpose Daniel en tapant du plat de la main sur l'accoudoir de son siège. Je crois que tout le monde dans cette pièce est d'accord pour dire qu'elle a un superbe potentiel d'intégration : le karaoké, le lapin de Pâques, et elle a même réussi à utiliser le matériel de Al et sauter de 40 étages pour sortir ! Tout ça en 1 mois, elle est incroyable. Nous devons la garder.

Daniel se penche sur Al qui n'a rien dit depuis le début de la conversation.

– Al ... Qu'est-ce que tu n'as pas compris quand je t'ai dit de "veiller sur elle" ?

Les yeux fixés au sol, l’esprit rempli de formes alambiquées, Al s’exprime sur un ton monocorde :

– Je... n'ai fait que mon travail.

Il hésite, doit-il leur dire que s'il a autant raté ses cibles c'est parce qu'il avait peur de la blesser ? C'est stupide, avec le protocole "reset" elle ne se serait pas souvenu de la frayeur ou de la douleur. Il ne comprend pas ce qui lui a pris. Il soupire et garde cette information pour lui. Pour l'heure, il essaie d'avaler son amertume : il a le rôle du méchant, et se sent mal à l'aise avec ça.

Daniel le connaît très bien, cet état d'abattement n'est pas dans ses habitudes. En tant que responsable du bonheur il se doit d'intervenir :

– Et si tu lui présentais tes excuses ?

Dit-il en lui donnant un bonbon, que Al
croque sans plus de réaction. Vincent soupire :

– Il ne sait même pas se faire des amis, tu lui demandes de se faire pardonner ?

– Nous nous sommes engagés à l'aider, tu te souviens ?

– Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Murmure Al, les interrompant.

– De mon point de vue, tu aurais dû faire ton travail : elle n'aurait eu aucun souvenir, et tout restait en ordre, dit le responsable SAV interne sans sourciller.

Vincent peut se montrer dur parfois, mais c'est toujours pour le bien de ses collègues et de l'entreprise. En réponse Al se lève, et quitte la pièce. Son attitude les surprend.

– J'ai... été trop dur ? L'homme au Fursac culpabilise soudainement.

– Je pense qu'il est en pleine contradiction. Tu as raison Vincent, et il le sait, ça l'agace d'autant plus. Il semble montrer de l'intérêt pour Cathy : il a hésité. Daniel semble se réjouir de la situation. Tu te rends compte ? C'est la première fois que Al rechigne à faire son travail. Il a vraiment envie de s'en faire une amie, j'en mettrais ma main au feu !

Bienvenue à Corporate [Romance paranormale]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant