Chapitre 11- Étoiles & Omelette

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~ Kurapika~

       Je me retournai une centième fois dans le lit. Je ne comptais plus le nombre de fois où je m'étais endormi et réveillé d'un rêve étrange. Je ne m'en souvenais que brièvement et il fuyait dès que je m' intéressais de plus près mais j'avais l'inébranlable certitude que c'était toujours le même. Un froissement de tissus, des cheveux noirs, des bras agréables, l'odeur d'un orage.

        A chaque réveil je me relevais brusquement et cherchais quelque chose, quelqu'un. Il me manquait quelque chose, je me sentais vide et j'avais froid. Après un millième réveil tout en sueur je m'assis et entourais mes genoux de mes bras, y cachant mon visage. Je ne comprenais pas. Ça ne m'était jamais arrivé.


        Je déteste la nuit. Le corps s'endort et je baisse mes gardes. J'étais faible et ce qui me hantai pouvait m'attaquer plus facilement. Il faisait sombre, les sons étaient assourdis, il n'y avait pas de respiration à côté. Tout était comme mis sur pause et j'étais seul et vulnérable pour une infinité de temps qui ne prenait fin que quand le jour reprenait. Quand les gens se redressaient dans leurs lits, quand les bruits dehors reprenaient, quand le monde était en marche.

         Alors soit je m'assommais à coups de somnifères soit je sortais et contemplai les étoiles faiblirent. C'est ce que je fis. Il ne servait à rien de se cacher entre ses bras et souhaiter au monde de disparaître, je n'aimais pas me noyer dans le misérable.

        Je me servi un chocolat chaud - avec de la poudre de cacao trouvée dans un placard- et montai sur le toit, enveloppé dans ma couverture. On était loin des grandes villes et de la pollution alors le ciel était aussi illuminé que s'il avait été saupoudré de miettes d'or. C'était beau, et provoquait en moi une sensation de calme, de plénitude ; le monde était grand, je n'étais qu'une petite chose au milieu d'autres petites choses. Ça allait. Le monde continuera de tourner, quoi qu'il arrive. Alors je n'avais pas besoin de supporter le poids de l'angoisse sur mes épaules. Le monde était trop grand et moi trop petit pour que je gâche mes jours avec des futilités. Ça allait.

     Je lâchai un long soupir. Mon corps se détendit et je me senti plus léger. Calmé, je relevai la tête des vapeurs de mon chocolat chaud et souri aux étoiles.

     Le ciel était tâché de couleur mauve, cuivre, bleu marine, vert. Les constellations étaient toutes visibles, démarquées par les diamants qui leur servaient d'étoiles. C'était sublime, immense, inatteignable. J'avais l'impression que si je plissai les yeux, je verrais les astres se mettre en mouvements, tourner et traverser les mondes en ne nous chuchotants qu'une minuscule parcelle des secrets dont ils étaient les seuls à se souvenir. Je fermais les yeux et étendis mes sens le plus loin possible. Tentai de visualiser les planètes et les systèmes qui les composaient. De voir avec des yeux aveugles tout ce système bouger. Il y avait le système solaire, puis la Voie Lactée, puis d'autres systèmes, d'autres constellations et d'autres Univers. De quelle couleur ? de quelle taille ? Y-avait-il des êtres vivants ? de l'eau ?

     Tellement enfoncé dans mes pensées, je ne me senti même pas m'endormir, le verre à moitié plein et le corps lourd. Tout ce que je sentis avant de sombrer c'était encore ce parfum d'orage qui hantait mes rêves...

***

     La sonnerie du téléphone me réveilla en sursaut. Je me rattrapai in extremis aux tuiles du toit pour ne pas tomber et sorti l'engin de malheur en injuriant son créateur et toute sa descendance,  avant de revenir sur mes propos en m'excusant quand la voix énergique de Gon sortit du portable :

- ... Là ça marche ? Non, t'as dis qu'il fallait appuyer là Leorio ?

- NONONONONO ! N'appuie surtout pas là, tu va...

La voix d'une femme gémissante se fit entendre et j'éloignai en vitesse le combiné de mon oreille, épouvanté. Puis une voix forte, que je ne connaissais pas résonna à son tour :

- Leorio-San ! Mais que faîtes vous écouter à mon neveu ?!

- Je... Ce n'est pas moi ! C'est ce garnement qui... qui touche le mauvais bouton ! Je suis innocent dans cette affaire, Mito-San ! Promis !

- QUI APPELEZ-VOUS GARNEMENT ?!

- Non non ce n'est pas, ce n'est pas ce que je voulais dire, voyons, Mito-San. Mito-san, s'il vous plaît reposer cette chaise, vous m'avez mal comprise...

- Quelqu'un a vu la confiture de myrtilles ?

Le rire que je tentai de retenir m'échappa et je ris pendant deux bonnes minutes, en me tenant le ventre. Quoi qu'il se passe, avec ces guignols là, le sourire revenait toujours.

- AH ! KURAPIKAAA !!

Je sursautai en entendant les voix de Gon et de Leorio m'appeler mais je me rattrapai et souris :

- Salut !

***

      On discuta encore longtemps. Moi toujours emmitouflé dans ma couverture sur un toit, eux à table chez la tante de Gon sur l'île Baleine, on discutait de tout et rien pour rattraper le temps perdu. Je leur annonçais que nous les rejoindrons probablement dans quatre jours et ils me racontèrent que Killua n'a toujours pas retrouvé ses souvenirs, même en côtoyant des endroits qui lui était familiers.

- C'est comme s'ils étaient bloqués, annonça Gon.

- Ou scellés, rajouta Leorio.

- Et vous avez tenté de le cogner fort ? J'ai entendu quelque part que parfois il suffit juste d'un coup pour que quelqu'un se souvienne de nouveau de certaines choses.

- Kurapika ?!

- Je rigole, je rigole, un sourire étira encore mes lèvres.

- KURAPIKA ?!

- Quoi ?, je grommelai. Ça paraît si fou que ça que je blague ?

- Ahaha... Non, non bien sûr que non ! C'est juste que tu nous pris par surprise, la voix de Leorio sonnait bizarrement.

- Moi ça m'étonnes, répondit avec simplicité et honnêteté Gon.

     Je vis presque Leorio s'étouffer et je souris une fois de plus. On discuta encore quelques minutes puis Gon coupa l'échange parce que Killua voulait sortir. Je reposai le téléphone dans ma poche et me redressai. Je fonçai les sourcils en constatant que ma couverture trainait à moitié à côté de moi, comme si quelqu'un l'avait tiré pour se couvrir aussi. Je tournai sur moi-même, scrutant les environs.

     Mais la seule personne qui aurait pu monter sur ce toit avec moi... ne l'aurait pas fait, totalement impossible. Non vraiment, c'est pas ...Je ris, gêné de ma propre stupidité et ramassais le verre de chocolat pour le finir. Mais il n'y avait plus rien. Ma confusion monta d'un cran et je regardai une nouvelle fois autour de moi, incertain... Je m'étais peut être réveillé dans la nuit et l'avais fini... Je veux dire, Lucifer ne serait pas monté.

      De un, il voulait absolument mon lit hier et de deux... de deux, on ne s'appréciait pas. On... On se détestait même... Il m'aurait tué si il serait monté... Oui. Exactement. Je me redressais, satisfait de ma conclusion. Si l'Araignée serait vraiment monté et m'aurait vu dormir, il m'aurait tué. Et puisque j'étais toujours vivant, il n'était pas monté. Voilà.

      Content, je descendis dans la cuisine et entrepris de me cuire une omelette. Je la fis avec trois oeufs - j'étais tellement affamé que je pouvais bien manger trois œufs à la place d'un seul (mon repas de base). Je rajoutai du fromage, des tomates, du persil et du poivron. De quoi me nourrir pour toute la journée. Je la posai sur la table îlot et me retournai pour choper du sel.

       Mais un évènement  catastrophique se produisit. Le sel m'en tomba des mains, heureusement sur la table, et je lâchai un cri.

Mon omelette, ma précieuse et tant attendu omelette avait disparu.

Et à la place se tenait un vulgaire arachnide, tout sourire, un morceau de persil sur le coin des lèvre le désignant coupable.

Je me jetai sur lui.

- TOI !!!

Ennemi juréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant