7. C'est ça l'amitié !

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Seize ans fut aussi l'âge où nos hormones se mirent à tourner en ébullition. Désormais seuls et indépendants, nous avions carte blanche pour flirter et enchaîner les conquêtes.

Et cela ne tarda pas.

Le seul avantage que je trouvai aux nouveaux amis de Lumi, c'est qu'ils pouvaient nous faire entrer dans n'importe quel bar et n'importe quelle boîte, quel que soit notre âge. Là-bas, nous découvrîmes, non pas les joies de l'alcool – cela faisait un moment que nous nous cachions dans la forêt pour descendre les bouteilles de whisky de mon père et essayer de rentrer sans nous noyer dans la rivière – mais celles des soirées citadines.

Pour la première fois de ma vie, je me retrouvai immergé au sein d'une foule d'alphas et d'omegas, dans des salles qui empestaient la sueur et les phéromones capiteuses. Je testai pour la première fois le sexe avec une omega qui me suça dans les toilettes d'un bar miteux puis usa de tous ses charmes pour me ramener chez elle. Je m'exécutai et, captant le clin d'œil amusé de Lumi, je la suivis dans son appartement. S'en suivit une nuit mouvementée qui, à défaut d'être la meilleure de ma vie, marqua le début d'une longue série de baises sauvages et alcoolisées.

Nous essayions le plus possible de ne ramener personne à l'appartement afin de ne pas déranger l'autre. Il m'arriva une seule fois de tomber nez-à-nez avec Lumi, assis sur le canapé, les jambes écartées et la bouche d'une fille autour de sa queue. Lorsqu'il m'aperçut, il m'adressa un immense sourire béat auquel je répondis par un éclat de rire avant d'aller m'enfermer dans ma chambre.

Sans être pudiques, nous respections l'intimité de l'autre. Si voir la bite de mon meilleur ami ne me choquait pas le moins du monde, l'entendre pilonner une inconnue dans mon salon était autre chose.

Beaucoup de nos connaissances communes nous demandèrent comment nous faisions pour cohabiter et maintenir notre amitié en dépit de nos deux natures opposées – et pourtant complémentaires ! Je ne crois pas avoir de réponse précise à cela. J'aimais Lumi, du plus profond de mon être, et notre relation était certainement ce qui était le plus cher à nos yeux ; nous l'aimions telle qu'elle était, nous aurions tout fait pour la préserver et nous nous respections profondément. Je suppose que cela suffisait à faire en sorte que les choses marchent entre nous.

Et puis, ni lui ni moi ne souhaitions nous unir à qui que ce soit. Au moins, la question ne se posait pas.

Cette première cohabitation fit tout de même prendre une nouvelle tournure à notre relation. Nous avions beau ne pas être intéressés physiquement par l'autre, vivre ensemble supposait subir les ruts et les chaleurs de chacun. En temps normal, les inhibiteurs et un peu de bonne volonté suffisaient amplement à nous empêcher de craquer, mais un soir en particulier changea la donne.

Je rentrais de mon footing nocturne quand je sentis immédiatement que quelque chose clochait. Déjà dans le couloir, l'odeur des phéromones de Lumi collait aux murs et s'infiltrait avec force dans mes poumons. Mon corps frissonna – plus par réflexe que par réel plaisir – et je poussai la porte de l'appartement.

Affalé dans un coin du salon, le dos contre le mur et les genoux repliés contre son torse, Lumi avait fermé les yeux, le visage crispé d'inconfort. A ses côtés gisait une plaquette d'inhibiteurs vide et une gourde d'eau qui avait renversé la moitié de son contenant par terre.

Je m'approchai de lui et m'accroupis afin d'avoir ma tête à sa hauteur.

— Hey, ouvre les yeux mon p'tit renardeau.

L'interpellé sembla avoir toutes les peines du monde à s'exécuter et le surnom moqueur ne parvint même pas à lui soutirer un sourire. A nouveau, je sentis un frisson remonter le long de mon échine en tombant face à ces deux orbes indigos qui luisaient de luxure.

A l'ombre de ton sourireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant