13. L'orage dans nos cœurs

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Le tonnerre grondait dehors.

Je courais si vite que les muscles de mes jambes criaient leur souffrance et mon cœur s'affolait dans ma cage thoracique. Mais je ne m'arrêtais pas.

Au contraire, je redoublai d'effort pour affronter la puissance des rafales d'eau qui me giflaient la figure et trempaient mon costume tout neuf. Je devais le retrouver. Maintenant.

Mes chaussures cirées claquaient contre l'asphalte. Les pans de ma veste battaient inlassablement mon dos. Parfois, le trottoir glissant me faisait perdre l'équilibre et je me rétablissais de justesse, m'accrochant à un mur ou à un passant inconscient qui avait eu le malheur de se trouver près de moi.

Ma respiration était devenue si erratique qu'elle en était douloureuse et chaque inspiration était plus pénible que la précédente. Mais il me fallait fuir. Loin. Loin de cette ambiance étriquée et de ces faux sourires, loin des yeux verts dévastés et des regards accusateurs. Je voulais retrouver Lumi, je voulais retrouver le confort de ses bras et la sincérité de son sourire. Je voulais juste être avec lui et ne plus jamais le quitter.

Alors que je courais à en perdre haleine dans les ruelles du centre-ville, je réalisai à quel point j'avais été aveugle et stupide. Comment avais-je pu croire une seule seconde que je serais heureux sans lui ? Comment avais-je pu briser aussi facilement notre promesse et penser que cette dernière n'était qu'une bêtise d'adolescent ?

Ce n'était pas d'Alma dont j'avais besoin pour vivre, mais de Lumi. Sans lui, ma vie n'avait aucun sens. J'avais besoin de son soutien pour avancer, de son sourire pour être joyeux, de ses taquineries pour me remettre en question.

Mes plus beaux souvenirs avaient commencé avec lui et je voulais que mes derniers le soient également.

Après presque une heure de course effrénée, je parvins enfin au pied de notre immeuble. Je déboulai dans le hall d'entrée, ignorai l'ascenseur en panne et grimpai les escaliers deux à deux jusqu'à notre appartement. Là, j'ouvris la porte en fracas et me précipitai dans le salon.

— Lumi ? Lumi ? Lumi, est-ce que t'es là ?

Aucune autre réponse que ma respiration saccadée ne me parvint.

Brusquement agité par un mauvais pressentiment, je sortis mon téléphone de ma poche et composai le numéro de mon ami que je connaissais par cœur. Une fois. Deux fois. Trois fois. Aucune réponse.

Je me pris la tête entre les mains et me mis à faire les cent pas dans le salon en gémissant de désespoir. Où pouvait-il bien être ? Comment pouvais-je le contacter ? Et s'il était en train de faire une connerie ?

Soudain, une idée me traversa l'esprit et je sortis en trombe de l'appartement pour grimper les escaliers qui menaient au toit. Pourquoi l'angoisse oppressait-elle autant ma poitrine ? Pourquoi avais-je l'impression que je pouvais fondre en larmes à tout moment ?

Arrivé au dernier étage, je forçai la porte que Lumi et moi avions enfoncée bien des fois pour nous réfugier sur le toit et m'extirpai enfin à l'air libre. A nouveau, la pluie me gifla la peau et le vent tenta de me repousser dans la trappe par laquelle j'étais sorti.

— Lumi ! hurlai-je à travers les bourrasques terribles qui emportaient ma voix.

Je fis quelques pas sur le béton trempé puis me figeai. Foudroyé.

A quelques pas de moi, perché sur le rebord du toit, Lumi me tournait le dos, immobile. Il ne portait qu'un simple t-shirt à manches courtes et ses cheveux blancs voltigeaient autour de sa tête.

Je me ruai vers lui en criant son prénom, quand enfin il m'entendit.

Doucement, son visage se tourna vers moi et le choc m'arrêta net. Ses traits étaient déformés par la souffrance et ses yeux emplis d'un effroi que je ne connaissais pas.

A l'ombre de ton sourireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant