Lorsque nous franchîmes la vingtaine, les chaleurs de Lumi devinrent de plus en plus terribles.
Jusqu'ici, il lui suffisait de prendre un inhibiteur par jour pour largement passer au-dessus de ses pulsions, mais les années détériorèrent son état. Désormais, à chaque fois que cette période arrivait, mon ami se tordait de douleur au sol et s'arrachait les ongles à trop gratter le parquet. Impuissant, j'assistais à sa lente dégradation, le berçant parfois des nuits entières tandis qu'il gémissait pitoyablement dans mes bras.
Dans ces moments-là, des défilés de personnes en tout genre traversaient le salon en direction de sa chambre. Des hommes, des femmes, des alphas, des bêtas, des omégas ; Lumi semblait ne faire aucune distinction. Leurs ébats duraient des heures, mais mon ami n'était jamais satisfait.
Je revois encore sa chevelure ivoirine sortir en furie de sa chambre, accompagnée d'une flopée de jurons et de coups de poings dans le mur. Alors il apparaissait, le teint cireux, la mâchoire contractée à l'extrême, les yeux creusés par d'imposantes cernes. Son corps entier était recouvert de bleus, de griffures et de morsures, au point que je me demandais parfois s'il avait baisé ou tenté de maîtriser un jaguar.
Durant la période de ses chaleurs, je faisais en sorte de lui laisser l'appartement le plus souvent possible et me réfugiais chez Alma. Avoir une partenaire stable et une connexion psychique intense avec elle me permettaient de vivre des ruts relativement agréables, qui duraient bien moins longtemps que les chaleurs de Lumi.
Un jour, je rentrai plus tôt de chez ma copine et pénétrai en somnolant à moitié dans mon appartement. A peine avais-je franchi la porte d'entrée qu'un bruit sourd retentit, suivi d'un autre puis d'éclats de voix. La fatigue disparut d'un coup et je me ruai dans le salon, soudain inquiet pour mon ami. Je le trouvai adossé au mur, le visage trempé de sueur, les yeux exorbités et la respiration haletante. Face à lui, un homme de deux fois sa carrure le surplombait d'un air menaçant, un poing levé en sa direction.
Il ne m'en fallut pas plus pour me jeter sur l'inconnu et le plaquer au sol. Il jura en tentant de se dégager, mais je le maîtrisai facilement et écrasai son visage au sol.
— Lâche-moi, enculé ! Bordel, dégage de là et laisse-moi tuer cette petite pute ! Putain, je...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le pied de Lumi frappa durement sa mâchoire. Je l'entendis gémir de douleur et insulter mon meilleur ami de tous les noms.
— Fous-le dehors avant que je le détruise, m'ordonna Lumi d'une voix rauque.
J'obtempérai et pris un malin plaisir à balancer l'intrus dans le couloir. Je refermai la porte puis me retournai, juste à temps pour voir mon meilleur ami s'effondrer sur lui-même.
Je me précipitai vers lui et le réceptionnai avant que sa tête ne frappe le sol. Il était brûlant. Son corps était parsemé d'ecchymoses, sa respiration erratique. Il semblait à bout de forces, meurtri, épuisé.
Je le portai jusqu'à sa chambre et le laissai tomber sur le lit. Ses paupières restaient résolument closes et ses sourcils froncés dans un air de pur supplice, comme s'il était en proie à une souffrance innommable.
Je remarquai seulement maintenant que le sol était jonché de bouteilles vides et de plaquettes d'inhibiteurs éventrées. Mon estomac se serra affreusement. Combien de cachet avait-il avalé au juste ces derniers jours ? Cherchait-il à ce point à se débarrasser de ses chaleurs ? Quels étaient les effets secondaires d'une surdose de ces médicaments ?
L'inquiétude me rongeait les entrailles. Je passai une main rageuse sur mon visage pour tenter de chasser toutes ces pensées angoissantes, mais rien n'y faisait. Quel était le but de Lumi ?
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A l'ombre de ton sourire
RomanceLes plus beaux souvenirs de Zac commencèrent avec le sourire de Lumi. Il avait quelque chose de fascinant Lumi, avec ses grands yeux indigos et ses dents de travers. Rien ne semblait pouvoir l'atteindre ni entacher la joie féroce avec laquelle il ab...