Point de vue de Jimin
Je hume le parfum laineux et velouté qui loge dans le berceau de son cou. Ses boucles noires chatouillent mon nez et l'allégresse qui s'empare de mes muscles décontractés me dépose sur un nuage de coton.Cette sensation, je crois la connaître, mais pourtant, elle me paraît étrangère, inexplorée, oubliée.
Une étoile mystérieuse gravite dans la galaxie de mon corps, mais cette comète filante, je ne l'ai pas apprivoisée. Elle semble vouloir s'échapper, elle fait trainer derrière elle sa poudre chatoyante qui se parsème partout à l'intérieur de moi. Elle est imperceptible et s'évapore dans mon sang.
Elle veut trouver sa route, elle cherche son chemin, en quête de lumière, elle file vers une issue dont je n'ai pas la direction, dont je n'ai pas la clé.
Elle vaporise ma gorge de son trait lumineux. Indisciplinée, elle veut me faire parler, elle veut que quelque chose sorte, elle me fait tousser.
"J'ai peur de t'aimer."
Son cœur bat-il encore? Je ne le sens plus contre mon oreille.
Mon étoile tombe en lambeaux dans une poussière brillante qui se dissout dans mon thorax.
Est-ce que je l'ai cassée?C'est la vérité, j'ai peur. Le noir et l'obscurité me font peur, le cosmos me fait peur. Cette étoile, pourquoi elle est là? Pour me guider, m'aveugler? Est-ce qu'il fait nuit en moi pour qu'elle soit ici? Est-ce une lanterne, ou un phare qui dirige les marins perdus? Suis-je égaré? Qu'est-ce que tu me veux?
Moi, je ne veux que la lune. Elle est suffisante. Cyclique mais régulière, changeante mais stable. Elle est la plus belle, mais mon étoile qui la recherche s'est perdue.
Je n'ose pas regarder mon interlocuteur. Je ferme les yeux et je plonge mes narines un peu plus loin dans la naissance de sa nuque. Mon astre me fait dire n'importe quoi, et m'abandonne en s'éteignant.
Je ne sais pas pourquoi j'ai dit cela. C'est absurde et insensé. Je suis désordonné.
Mon ami ne répond rien.
Tout ce que j'ai senti, se sont ses doigts crispés un instant sur mon bras qu'il caressait.
Puis il n'a rien dit. Il n'a pas bougé. Il n'a pas parlé.Min Yoongi est comme ça.
Impénétrable et ténébreux. Ses pupilles sont toujours opaques, comme si un voile ombragé les protégeait de la proximité du monde.
Qu'il sourit, qu'il pleure, qu'il rit, l'accès est barricadé, limité, inatteignable, son être le plus profond est nuageux. J'ai beau allumer la lumière, je n'y vois rien.
Il semble continuellement débordé par des profusions de pensées abondantes qu'il n'extériorise jamais.
Ses gestes sont systématiques et automates, mais sa nature secrète m'a toujours ébranlé.
Il est infaillible, sûr et honnête. J'ai appris à aimer sa façon d'être là pour les autres avec nonchalance. Pas de ces piliers royaux, ornés d'or et d'argent, de diamants pour vous en mettre pleins les yeux autour d'un palais.
Plutôt les piliers de béton armé, gris et froids mais résistants, cachés dans les murs, on ne les voit jamais.
Mais sans ce pilier sous estimé s'effondreraient toutes les charges d'une construction qu'il soutient à lui tout seul.Je l'aime, je l'ai toujours aimé pour cela.
Comme un opposé, mon antipode. Moi qui suis un bel objet de décoration, une parure illusoire dont l'architecture interne est précaire et déficiente. Prête à la ruine, ma tour se laisse flatter par ses perles nacrées en ignorant les failles.
Et je jalouse les lattes fermes et neutres de mon pilier indestructible.