Prologue

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— Il n'a rien à envier au soleil.

Un ange passe entre nous. Tristan a lâché son commentaire de but en blanc, sûrement agacé par l'insistance de Benjamin. Ces deux-là sont cousins et ça doit bien faire cinq minutes que mon ami me complimente sur chaque aspect de ma personnalité et de mon apparence. Et puis, il a prononcé cette phrase. Autant vous dire que mes joues chauffent et que je devine sans mal leur couleur tomate.

— Exactement ! s'écrie Benjamin pour briser le silence gênant. Tu vois, quand tu veux ! 

Tristan hausse les épaules d'un air de clore la discussion. Il nous regarde tout juste, tourné vers le ciel. Je n'ose toujours pas parler et me mets presque à espérer qu'il s'éloigne pour que je puisse enfin respirer. Ce gars-là, je l'ai dans la peau. Mais ce n'est pas réciproque. Pas le moins du monde. Même si Benjamin a dû lui arracher ce bref compliment pour me faire plaisir, je suis heureux qu'il pense ça de moi. Ou le pense-t-il vraiment ?

Après tout, il se contente de répéter ce que nos amis disent de moi. Bien qu'il soit plus âgé que nous, déjà dans sa première année de Master, alors que son cousin et moi entamons notre licence, il traîne avec nous de temps en temps, mange à notre table certains midis et reste dans la pièce lors de nos soirées alcoolisées. Tristan prétend toujours qu'il nous surveille, fait attention à ce qu'aucun d'entre nous ne termine la tête dans la cuvette, mais Benjamin est persuadé qu'il s'amuse bien avec nous. 

Il faut dire qu'à part Sébastien, son meilleur ami, acolyte de toujours et compagnon de musculation, Tristan n'est pas très entouré. Il ne le souhaite pas. Se dédiant corps et âme à son silence paisible, ou à sa musique. Il n'est pas rare de le croiser avec son casque sur les oreilles, surtout à la salle de sport, et de se faire snober. Benjamin lui fait constamment la leçon à ce propos, mais ça l'incite au contraire à nous ignorer encore plus.

Enfin, je ne devrais pas songer autant à lui ! Tristan ne quitte pas mes pensées tant qu'il est près de moi. Il m'arrive parfois de l'admirer à la dérobée ; je ne me suis pas fait prendre et j'en remercie ma chance, car je n'assumerais pas mon embarras. Je suis amoureux de lui depuis mes seize ans, depuis que j'ai rencontré son cousin au lycée et que nous avons commencé à nous voir fréquemment. Je l'avoue, quelquefois, j'acceptais les invitations de Benjamin à venir chez lui uniquement pour son cousin, dans l'espoir de l'observer rien qu'une minute. J'étais jeune et con. Aujourd'hui, je suis jeune, con et désespéré, un brin obsédé par lui.

— Bon, tu n'avais pas une question à me poser ?

Sa voix m'extirpe brusquement de mes pensées. Je me souviens tout à coup de la raison pour laquelle nous sommes tous les trois plantés au milieu d'un couloir de notre faculté.

— C'est vrai ! glousse Ben. Monsieur, viendrait-il à une soirée avec nous ? Les associations ont proposé plusieurs plans et avec Lou, on était tentés par le bar au coin de la rue, là-bas.

Il pointe le nord, là où se situe un restaurant-bar très réputé de la ville. À côté de notre université, si j'ai bien compris, il accueille souvent des étudiants. Tristan doit bien le connaître. 

— Vous y allez avec qui d'autres ? 

— Malik, c'est tout. Tu peux amener Seb, bien sûr !

Tristan fait mine de réfléchir. Son meilleur ami et lui ont décidé de se consacrer au sport aux alentours de leurs dix-neuf ans. Ils discutent tout le temps de protéines, d'haltères et de barres. Ils ont longtemps fait la compétition à celui qui obtiendrait les meilleurs résultats ; maintenant, ils ont mûri et s'encouragent l'un l'autre, focalisés sur leur prise de masse, leur sèche ou je ne sais quoi. En d'autres termes, ils ne fréquentent plus trop les soirées étudiantes. Alcool et sport ne riment pas ensemble, et ils détestent faire des écarts. Ils s'en autorisent plutôt pour la nourriture, et moins pour les calories liquides. 

Sunshine ProtectorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant