☼ Chapitre 8 : Pour toujours et à jamais ☼

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Point de vue de Neymar

Remonté comme une pendule, je fais les cent pas dans le salon. Je viens de ramener Ester suite à l'odieuse agression qu'elle a subie. Bien trop choquée, elle n'a pas décroché un mot du trajet. J'ai donné ma parole à Marco pour ne rien dévoiler à Sergio mais j'en viens à regretter cette décision. J'exagère peut-être mais j'ai l'impression qu'en ayant accepté de ne pas en parler, je cautionne ce qu'a fait ce sale type, alors qu'en vérité, c'est tout le contraire. Foutue promesse à la con !

Si je pouvais, je le dégommerais à la place sans une once de remords. Je lui en veux tellement. Il n'avait pas le droit. Et le pire, c'est qu'il s'en est sorti, comme s'il n'était pas coupable, comme si ce qu'il avait fait était remarquable, comme s'il devait être décoré de la légion d'honneur pour ce geste ignoble, abominable. Ester ne méritait pas tout ça.

Hésitant, je m'approche d'elle et la serre contre moi. Sa personnalité a le don de m'apaiser et elle a besoin de soutien. Avec délicatesse, elle enroule ses poignets fins autour de ma nuque. J'enfouis mon nez dans son cou et enivre mes sens de son parfum que j'aime tant, discret et fruité. Même si elle n'en a pas conscience, elle est exceptionnelle. Je ne l'échangerais pour rien au monde.

Je ne pouvais pas rêver d'une meilleure meilleure amie. Elle sait toujours quels gestes adopter et quoi dire le cas échéant pour me calmer, m'aider à temporiser. Elle est de ces personnes rares qui se font passer après leur famille et leurs amis, qui ont un cœur en or et qui prennent en compte le ressenti de ceux qui ont la chance de croiser leur chemin.

— J'ai une bonne nouvelle pour toi, murmuré-je dans le creux de son oreille.

— C'est-à-dire ?

— L'agent immobilier du PSG a contacté Sergio. Ils t'ont trouvé un appartement. Tu emménages quand tu veux.

— C'est vrai ? s'émerveille-t-elle. Tu ne me fais pas marcher ?

— Tu me connais. Jamais sur ça. Ma sœur s'est portée volontaire pour venir quand tu as besoin.

— C'est un meublé ?

— Tout à fait. Et s'il y a des choses à déplacer ou trop lourdes pour vous, on est là avec les gars.

— Honnêtement, je ne pensais pas que ce serait si rapide mais tant mieux. Je ne vais plus être un poids pour toi. Je vais demander à Ilona de venir demain matin pour qu'on s'en occupe et que je débarrasse le plancher. Merci, Ney.

Par peur de me ridiculiser, je n'ose rien ajouter et me contente de sourire. Elle va me manquer. Je sais que ce ne sont pas des adieux puisque l'on continuera à traîner ensemble pour de multiples occasions mais ce ne sera pas pareil. J'aimais bien l'avoir près de moi. Je me sentais moins seul et plus heureux, moins dépendant de mon passé et de mes angoisses. Après avoir mis un terme à notre étreinte, Ester s'échappe de mes bras et file à l'étage.

Je l'entends échanger au téléphone avec ma cadette, rigoler avec elle et planifier le lendemain qui s'annonce chargé. Ester semble avoir oublié ce qu'elle a subi à la piscine ou s'efforce de ne pas y penser du moins. J'admire sa force à toute épreuve. Malgré sa sensibilité, elle trouve le moyen de se relever encore et toujours, peu importe les coups durs. Elle est combative. Un peu comme moi, tout compte fait.

Quelques minutes plus tard, elle redescend comme une flèche et m'annonce la nouvelle. Demain dès l'aube, Ilona viendra prêter main forte à ma meilleure amie. Ça y est : c'est acté. Aucun retour en arrière n'est possible maintenant. Ravie, Ester laisse claquer un bisou sur ma joue et remonte aussi sec les marches quatre à quatre. J'en viens parfois à me demander où elle parvient à puiser toute cette énergie. La piscine aurait dû la canaliser mais non, la voilà en excellente forme.

À peine ai-je le temps de la quitter du regard, elle et ses jambes élancées, que retentit le clapotis caractéristique de l'eau qui vient s'échouer sur le sol et contre la paroi de la douche. Celle prise à la piscine ne lui aura donc pas suffi ! Cela dit, je comprends : c'est vrai que le chlore peut laisser une odeur puissante et désagréable sur la peau. Lors de notre contact, je n'avais pas l'impression cependant que se dégageait ce type d'effluves.

Ou peut-être a-t-elle oublié que Marco s'est occupé d'elle après cet épisode traumatisant ?

Oui, ce doit être ça ! Elle a été tellement secouée que son cerveau l'empêche de se souvenir de la dure réalité. Heureusement pour elle, je viens de penser à un doux remède.

À l'occasion de notre dernière soirée tous les deux, je décide de sortir le grand jeu. Je passe mon plus beau tablier et l'enserre à ma taille puis sors du frigidaire les ingrédients pour un gaspacho*, un salmorejo* et un cocido*. Il s'agit des spécialités espagnoles préférées d'Ester. Sergio me parle beaucoup de ce qu'elle aime, mine de rien. Et étant donné que nous n'avons jamais abordé le sujet avec Ester, je suis bien content d'avoir obtenu ces informations de la plus haute importance.

Je m'applique, m'active avant qu'elle ne me rejoigne dans la cuisine. Je n'ai pas le droit à l'erreur. Le temps m'est compté. Bien que je déteste les surprises, j'espère que la mienne lui plaira.

J'ai conscience que ce n'est pas grand chose mais ne dit-on pas que c'est l'intention qui compte ?

Vêtue de son short en jean et d'un haut en broderie anglaise qui met en valeur son bronzage, elle gagne la pièce de vie puis m'aide à dresser le couvert. Je ne peux m'empêcher de me déhancher au rythme de la musique latino qui provient de mon enceinte.

Nous nous installons ensuite l'un en face de l'autre et entamons le repas. Ester semble se régaler.

— Sergio a vendu la mèche et t'a dit ce que je préférais, hein ? s'enquiert-elle, tout sourire.

— Je plaide coupable. Ça te plaît au moins ? Je ne suis pas trop derrière les fourneaux d'habitude !

— C'est parfait, Ney. Vraiment délicieux. Et je pèse mes mots. Merci.

De soulagement, mes épaules s'affaissent. La boule au creux de mon ventre disparaît. Je me sens mieux. Je crois qu'elle apprécie non seulement ce que j'ai préparé mais aussi mon geste.

Nos assiettes terminées, je débarrasse et, après avoir passé un rapide coup d'eau chaude, range le tout dans le lave-vaisselle. Je contourne la table, me place devant elle et lui tends ma main.

Bien qu'étonnée, elle pose la sienne dans le creux de la mienne et me laisse l'approcher de moi.

La chanson entraînante qui retentit a raison de nous. En confiance, Ester, dont le corps vient au contact du mien, suit d'abord mes pas puis mène la danse. Ses mouvements, pleins de sensualité et gracieux au possible, m'encouragent à me surpasser.

Malgré les minutes qui défilent sur l'horloge, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Sa voix si douce et juste murmure les paroles. Je me retrouve dans une bulle réconfortante et ne voudrais la quitter tant je m'y sens bien, tant je m'y sens moi. Notre bulle. À nous. Rien qu'à nous.

Elle et moi contre le reste du monde. Pour toujours et à jamais.


*gaspacho : il s'agit d'une soupe froide à base de tomates mûres, de concombres, de poivrons et de mie de pain. Le meilleur remède pour lutter contre les hautes températures. Et avec un morceau de pain frotté d'ail, imbibé d'huile d'olive, ça ressemble au bonheur.

*salmorejo : entrée typique de Cordoue, mais on le prépare à travers toute l'Andalousie, où la recette varie sensiblement. On ajoute de la mie de pain : sa consistance est celle de la purée, et on la parsème de copeaux de jambon, de croûtons ou d'œufs durs émiettés.

*cocido : Plat à la croisée du pot-au-feu et de la potée, le cocido de Madrid se sert en différentes étapes. On commence par le bouillon, le « caldo », qu'on agrémente de vermicelles, puis les pois chiches et les légumes, et enfin, on termine par la viande (côte de boeuf, poitrine fraîche de porc, jambon Serrano et boudin noir). 

Passion au stade {PSG}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant