Eleanore

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Parce la seule chose qui nous relie encore toi et moi, c'est la lune. Peut être que tu la regarde en même temps que moi...


___

Encore une nuit où la peur me tenaille, seule dans cet appartement silencieux. Il est encore parti, comme si ces absences devenaient une habitude. Cette fois, il s'est emporté parce que, selon lui, ma robe dévoilait trop mes jambes. Pourtant, on ne voyait que mes chevilles. Maintenant, je suis coincée ici. Il a pris soin de m'enfermer, emportant mes clés avec lui. Impossible de sortir pour aller chercher à manger.

Je sais qu'Aaron traverse une période difficile. C'est sûrement pour ça qu'il est si froid et distant. Je ne lui en veux pas, il m'a déjà expliqué que c'était pour mon bien, qu'il voulait me protéger. Il a peur qu'il m'arrive ce qui est arrivé à sa sœur, violée puis suicidée. Cette tragédie l'a brisé, et il n'a jamais pu s'en remettre.

Je l'aime, et je sais qu'il m'aime aussi, même si parfois, son amour prend des formes qui me pèsent. Il croit me protéger, mais parfois, je me sens étouffée.

Il est tard maintenant, plus de 21 heures, et je n'ai rien mangé. Je me dirige vers le frigo, sans trop d'espoir. En l'ouvrant, je découvre qu'il ne contient que des bières et du soda. Je pourrais cuisiner, des pâtes par exemple, mais je suis épuisée. Je n'ai pas faim, de toute façon. Je me dis que je mangerai demain matin. En attendant, je vais prendre une douche pour tuer le temps.

Je regarde mon téléphone toutes les deux minutes, espérant une réponse d'Aaron, mais rien. Il n'a même pas ouvert mes messages. Ce ne serait pas surprenant qu'il ait éteint son téléphone, il fait ça souvent quand il sort. Il veut profiter sans être dérangé. C'est normal, après tout. Je ferais peut-être pareil si j'étais à sa place.

Demain, c'est la rentrée, ma deuxième année à l'université. C'est là que j'ai rencontré Aaron. J'étais perdue, nouvelle dans cette ville, et il est venu vers moi. Il a un an de plus, ce qui m'a souvent aidée, surtout pour les cours que je ne comprenais pas. Au début, c'était difficile, car je ne vivais pas à Édimbourg. C'est pour ça que j'ai emménagé ici, pour être près de lui, et de l'université. Je ne regrette pas ce choix, même si tout n'est pas simple.

Sous la douche, l'eau brûlante apaise mes tensions. Je laisse l'eau couler, glisser sur ma peau, repoussant le moment où je devrais affronter le froid en sortant. Mais il le faut bien. Je coupe l'eau et commence à me savonner. Quand ma main passe sur mon bras droit, une douleur vive me fait grimacer. J'avais oublié cet hématome, encore frais de deux jours. La couleur violette n'a pas disparu, et la douleur non plus. Je fais attention en me rinçant.

En sortant, j'enroule une serviette autour de mon corps et commence à me coiffer. Mes cheveux bouclés, je les déteste, tout comme Aaron. Il me préfère avec les cheveux lisses. À force de brushing, mes boucles sont abîmées. Inutiles de les laisser naturels, ils sont devenus incontrôlables.

Je vérifie encore une fois mon téléphone, mais toujours rien. Il va falloir que je me repose si je veux tenir demain. Je range tout et me dirige vers la chambre. Je mets mon téléphone en mode sonnerie, au cas où Aaron m'appellerait. Je me glisse dans le lit, seule, et éteins la lumière, espérant que le sommeil vienne.

***

Je n'arrive pas à dormir. Il est trois heures du matin, et Aaron n'est toujours pas rentré. J'ai la chair de poule. La nuit, cet appartement me semble si oppressant. Je me tourne dans tous les sens, essayant de trouver une position qui m'apporterait un peu de répit, mais rien n'y fait.

L'inquiétude monte en moi. D'habitude, Aaron serait déjà rentré, ou au moins m'aurait envoyé un message pour me prévenir. Il faut qu'il rentre, sinon on sera en retard demain. Et je ne peux pas me permettre de manquer le début des cours.

Je prends mon téléphone et compose son numéro. Ça sonne, mais il ne répond pas, comme je m'y attendais. Je réessaye, mais c'est la même chose. Je me prends la tête entre les mains. Ce n'est pas normal qu'il ne soit pas encore rentré. J'ai envie de pleurer, la peur m'envahit. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Je rappelle une dernière fois. Après une vingtaine de secondes, la messagerie se déclenche. Je décide de laisser un message.

-Aaron, rappelle-moi s'il te plaît... Tu n'es toujours pas rentré, j'espère que tout va bien. Je...

Le bruit des clés dans la serrure me coupe. Je raccroche immédiatement et sors du lit pour aller à sa rencontre. Aaron entre, l'air serein. Il n'a pas l'air d'avoir bu, ni fumé. Ça me rassure. Il referme doucement la porte et retire ses chaussures avant de me voir.

-Tu ne dors pas ? me demande-t-il.

-Tu sais bien que je n'y arrive pas quand tu n'es pas là...

Il s'approche et dépose un baiser sur mon front. Il ne sent ni l'alcool ni la cigarette. Je peux encore sentir son parfum, même après toutes ces heures.

-Je suis désolé, je ne voulais pas rentrer si tard. Je suis allé voir ma sœur.

-Je ne t'en veux pas.

-Tu as mangé ?

Je secoue la tête.

-Il n'y avait rien dans le frigo, et je n'avais pas faim de toute façon.

Il soupire.

-Je suis un idiot... Demain matin, je me lèverai plus tôt pour aller chercher de quoi déjeuner. Va te coucher, je te rejoins.

Je retourne dans la chambre. Ce soir, il est différent, plus doux. Habituellement, après ses sorties, il ne me parle même pas avant le lendemain matin. Mais là, il est apaisé. Un sourire me vient malgré moi. Je me glisse sous les draps, et Aaron me rejoint peu après. Il m'enlace et dépose un baiser sur mon hématome.

-Ça te fait toujours mal ? me murmure-t-il.

-Oui.

-Je te mettrai de la crème demain. Je suis désolé, encore.

Je ne réponds pas, fermant les yeux. Je me sens enfin un peu mieux, et le sommeil commence doucement à me gagner. Il ne sera pas long, mais suffisant pour demain.

Tears and memories Où les histoires vivent. Découvrez maintenant