Raphaël

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La fête de rentrée bat son plein, et la grande salle est saturée par les éclats de voix, les rires et le rythme de la musique qui résonne contre les murs. Les étudiants affluent par vagues, investissant l'espace dans un mélange de tenues qui, pour beaucoup, cherchent à éclipser l'austérité des uniformes habituels.

L'université a relâché les règles pour la soirée : chacun peut s'habiller à sa guise. Un détail qui n'a rien d'anodin, tant les apparences semblent ici être le reflet des désirs, des audaces, et des rivalités.

Accoudé au bar, une coupe de champagne à la main, je scrute l'agitation d'un regard distrait. J'aurais volontiers échangé cette soirée bruyante contre la tranquillité d'un film chez moi, mais l'invitation était difficile à refuser. Mes pensées vagabondent, bien loin de la musique et des jeunes qui s'amusent autour de moi.

Quelques étudiantes, visiblement plus intéressées par leur reflet que par la fête elle-même, jettent des regards appuyés dans ma direction, se risquant même à des compliments glissés comme des confidences. Leur insistance m'agace plus qu'elle ne m'amuse. Ce genre d'attention superficielle, encore plus venant de gamines de vingt ans, a toujours eu le don de m'irriter.

Soudain, mon attention est captée par une silhouette qui contraste avec le décor. Elle est là, au seuil de la salle, presque en retrait comme pour observer la scène avant d'y entrer. Eleanore Davies. L'une de mes élèves de première année, au tempérament affirmé et aux répliques acérées, que j'ai croisée quelques heures plus tôt dans un contexte bien différent. Elle porte une longue robe rouge, parfaitement sobre, élégante et, à bien des égards, presque intemporelle.

Elle dénote parmi les tenues éclatantes, tape-à-l'œil et volontairement provocantes de ses camarades. Ce choix vestimentaire n'est pas anodin, il semble traduire une personnalité en décalage avec la foule insouciante autour d'elle.

À ses côtés, un garçon pose son bras autour de sa taille avec une familiarité déconcertante. L'allure décontractée mais assurée, il semble baigner dans une aura de confiance presque insolente. Son regard navigue autour de lui, captant au passage des saluts, des sourires, des marques de reconnaissance évidentes. Je me tourne vers Mary, une collègue qui observe la scène avec un sourire amusé.

-Dis-moi, qui est ce garçon avec Davies ? Il a l'air drôlement populaire.

Mary me lance un regard complice, comme si elle avait anticipé ma question.

-Aaron Walter, murmure-t-elle d'un ton amusé. La vedette de l'université, en quelque sorte. Tout le monde l'admire ici, même s'ils le jalousent presque autant.

Je l'observe, intrigué. La popularité, ce statut social si éphémère et pourtant si prisé, ne m'intéresse guère. Mais mon regard reste ancré sur Eleanore. Elle paraît mal à l'aise, presque acculée dans ce rôle d'accompagnatrice silencieuse. Ses traits sont tendus, et elle jette des coups d'œil furtifs autour d'elle, comme si elle cherchait une issue. Après quelques mots échangés avec Aaron, elle se dirige vers l'extérieur. Sa silhouette disparaît à travers la porte, et la curiosité me pousse à la suivre.

Je termine mon verre, pose ma coupe sur le bar, et me dirige vers la sortie, attrapant au passage une cigarette que me tend un étudiant. La fumée sera un prétexte, une couverture pour expliquer ma présence à l'extérieur. Je n'ai jamais réellement apprécié fumer, mais ce soir, cela pourrait se révéler utile.

La nuit est fraîche, et le contraste avec l'effervescence de la salle est saisissant. Assise sur un banc, légèrement voûtée, Eleanore fixe un point invisible devant elle, enveloppée dans un calme étrange. Loin de l'agitation de la fête, elle semble apaisée, même si une ombre de tristesse flotte dans son regard. J'allume la cigarette, inspire une bouffée amère et m'avance, adoptant un ton léger pour briser le silence.

Tears and memories Où les histoires vivent. Découvrez maintenant