Cela doit être la cinquième couche de fond de teint que j'applique sur ma poitrine, et malgré cela, la couleur tenace persiste. À quoi bon ? Le maquillage ne tiendra pas toute la soirée de toute façon.
J'ai voulu retrouver cette apparence douce, coquette, celle que je maîtrisais autrefois. Mais même après ces efforts, ce que je vois dans le miroir m'échappe. Ma robe verte émeraude scintille de mille éclats sous les lumières, mais mes yeux, de la même teinte, semblent éteints, comme vides.
Je tente de faire abstraction de tout ce qui me pèse : les agissements d'Aaron, la réaction distante de ma meilleure amie, le comportement troublant de mon professeur... Tout paraît avoir pris un tournant étrange, comme si ma vie s'apprêtait à exploser d'un instant à l'autre, que le fil que je suivais jusque-là allait se défaire et changer de direction.
Il y a une chose qui m'obsède depuis une semaine, depuis que j'ai annoncé à Aaron que j'irais à cette fête. Ce silence de sa part, quand j'ai ramené ma robe et sous-entendu que je comptais venir... Il n'a rien dit, pas même un mot pour s'opposer. Il y a encore deux semaines, il aurait sûrement réagi avec un refus tranchant. Mais rien. Son attitude me trouble presque plus que tout le reste. Même ses accès de colère se sont tus depuis une semaine. J'aurais dû être soulagée, mais au fond, je ne suis que plus inquiète. Quelque chose va se passer ce soir. Je le sens, sans savoir quoi.
Je me brosse les cheveux avec douceur. Mes boucles en cascade, sauvages, me donnent un air presque mystique. Peut-être est-ce pour cela qu'Aaron déteste me voir les cheveux naturels. Je me saisis du lisseur pour les dompter. J'ai à peine commencé quand la porte de la salle de bain s'ouvre.
Aaron entre. Il est beau, impeccable, presque irréel. Bien que je sache que je ne devrais pas, je ne peux m'empêcher de le trouver séduisant malgré tout, malgré le poison de ses paroles et de ses gestes.
Il s'approche de moi, prend le lisseur entre mes mains et continue d'un geste assuré, maîtrisé. Il attrape une mèche de mes cheveux avec précaution, évitant de me brûler. Mon cœur bat trop vite, et une peur sourde m'envahit, loin des sentiments confus d'antan. Lorsque nos regards se croisent dans le miroir, je me sens glacée. Dans ses yeux, il y a cette flamme, quelque chose de brûlant qui oscille entre le désir et la dangerosité, une lueur qui me terrifie.
-Eleanore, murmure-t-il d'une voix presque tendre.
Son regard se détourne tandis qu'il continue de lisser mes cheveux, méthodiquement.
-Ne t'avise pas de jouer la salope comme ma sœur. Je ne veux pas que tu finisses comme elle... Tu comprends, mon ange ?
Son ton est tranchant. L'allusion à sa sœur me sidère. Aurait-il osé sous-entendre que son malheur, son suicide, était dû à un comportement déplacé ? C'est absurde. Sa sœur était une âme douce, pleine de vie. Cette insinuation me révolte, mais je reste muette.
-Compris ? insiste-t-il en tirant un peu trop fort sur une mèche.
-O-Oui... dis-je à contrecœur.
Il termine de lisser mes cheveux, repose le fer, puis glisse ses mains autour de ma taille, déposant un baiser dans mon cou.
-Tu es ravissante ce soir, Ely. J'ai presque envie de te débarrasser de cette robe, murmure-t-il, un sourire effleurant ses lèvres.
-On devrait y aller, avant d'être en retard, dis-je en esquivant son étreinte.
-Tu as raison.
Son ton devient froid, et l'étincelle disparait aussi vite qu'elle est apparue. Je le suis hors de la salle de bain, prête à affronter une soirée qui s'annonce déjà sous de sombres auspices.
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Tears and memories
RomanceLe silence, c'est tout ce qui résonne dans l'esprit d'Eleanore Davies. Aux yeux du monde, elle est la jeune fille parfaite : belle, intelligente, et amoureuse. Mais derrière cette façade lisse se cache une vérité bien plus sombre. Eleanore joue un r...