Eleanore

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Il doit probablement être six heures du matin, le soleil commence déjà à se lever, teintant les rues d'Édimbourg d'une lumière dorée. Je marche, mes pas résonnent sur le pavé humide, chaque écho me rappelle ma solitude. La brise matinale me frôle, mais je ne sais pas où aller. Encore une fois, j'ai fui, laissant derrière moi un professeur qui ne voulait que mon bien. Mais fuir, c'est ce que je fais toujours quand je me retrouve dans la gueule du loup, qu'il s'agisse d'une situation bonne ou mauvaise.

Je ne veux pas rentrer à l'appartement, pas maintenant. Aaron est probablement en train de décuver dans les toilettes, après la soirée désastreuse d'hier. Les souvenirs de ce que j'ai vu hantent mon esprit. Je préfère éviter de l'affronter. L'angoisse me noue l'estomac à l'idée de ce qui pourrait se passer si nos chemins se croisaient à cet instant.

Les images de la veille sont encore brûlantes dans ma mémoire. Je me souviens de chaque détail, chaque regard échangé, chaque mot prononcé. J'aurais souhaité que l'alcool me permette d'oublier, de rester dans le déni. Mais même l'ivresse ne peut effacer l'évidence. Et surtout, je me souviens de ce que j'ai dit à monsieur O'Brien.

« Si vous n'étiez pas mon professeur, je vous aurais déjà embrassé. »

Je me déteste d'avoir prononcé ces mots. C'était une impulsion, un moment de faiblesse, mais je me dis que l'alcool est une bonne excuse pour justifier cette déclaration. J'ai attendu que monsieur O'Brien s'endorme pour m'en aller, pour fuir cette situation devenue intenable. J'ai pris la pastille d'hydratation et la bouteille d'eau avec moi, au cas où l'alcool se manifesterait à nouveau dans mon esprit fatigué.

Je pourrais contacter Haru. Il m'a laissé son numéro, une porte de secours. Je pourrais lui demander de me loger, d'échapper à cette réalité écrasante, que ce soit à cause d'Aaron ou d'Ilona. Mais la méfiance s'est installée en moi. Et si Haru n'était qu'un autre maillon dans la chaîne des manipulations d'Aaron ? Je ne peux pas prendre le risque de lui faire confiance.

Finalement, je me retrouve devant notre immeuble, une boule au ventre qui ne veut pas se défaire. En prenant une profonde inspiration, je pénètre silencieusement dans le couloir, essayant de ne pas réveiller les voisins. Chaque craquement du bois me semble assourdissant, et je redoute le moment où je croiserai le regard d'Aaron.

Lorsque j'essaie d'insérer la clé dans la serrure, elle ne rentre pas. Une autre clé est déjà insérée de l'autre côté. Je sens mon cœur s'emballer, et, résignée, j'abaisse la poignée lentement. En entrant dans l'appartement, je me retrouve dans un espace plongé dans l'obscurité, seulement éclairé par les premiers rayons du soleil qui percent à travers les rideaux.

Tout est silencieux, trop silencieux. Je ne sais pas où est le brun. Mon esprit s'emballe en pensant à ce qu'il aurait pu faire, à cette fille qu'il aurait pu ramener ici, dans notre lit. Non, il n'en serait pas capable. Il n'est pas aussi idiot.

Je me dirige vers la salle de bain, veillant à faire le moins de bruit possible. Je ferme la porte derrière moi et allume la lumière du miroir. Je me regarde, et je frémis de dégoût. Mon maquillage a coulé le long de mon visage et de mon cou. Mes cheveux sont en désordre, éparpillés comme mes pensées. Mais ce qui me frappe le plus, ce sont mes hématomes qui ressortent, marquant ma peau d'un bleu encore plus intense.

Je pousse un long soupir et cache mon visage entre mes mains, essayant d'éviter de céder à un sanglot. Je suis hideuse, et si quelqu'un me voyait maintenant, il pourrait croire que je viens de me battre. En vérité, une partie de cette supposition est vraie.

Je ferme les yeux, et les souvenirs de cette soirée m'assaillent. Aaron avec cette fille, leurs gémissements résonnant encore dans mes oreilles. Mon professeur me tenant dans ses bras lorsque j'ai laissé éclater ma douleur. L'image de son regard plein de compassion me hante. Si Aaron apprenait cela, je me retrouverais avec plusieurs fonds de teint à racheter pour cacher les preuves de mes pleurs.

Tears and memories Où les histoires vivent. Découvrez maintenant