Tears and memories

Raphaël

Assis à mon bureau, je laisse échapper un soupir discret en observant l'horloge. Trente minutes déjà se sont écoulées depuis le début de ce test, ce qui signifie qu'il reste une demi-heure.

Pour eux, ces minutes doivent filer à toute allure, tandis que pour moi, le temps semble étirer chaque seconde en une lente agonie. Je me retrouve dans cette position presque chaque semaine, en proie à une étrange attente où je me contente de les surveiller, d'errer parmi les rangs pour m'occuper, d'attendre que la sonnerie vienne finalement clore cette heure.

Aujourd'hui, je me lève pour la troisième fois, parcourant les rangées de tables avec un regard que je tente de rendre neutre, bien que, malgré moi, mes yeux reviennent sans cesse vers elle : Eleanore. Elle est assise près de la fenêtre, le regard fuyant et les doigts immobiles sur le stylo posé devant elle. Son expression est perdue, comme si sa présence ici n'avait plus de sens. Il m'est impossible de faire abstraction de sa déconcentration, de ce désintérêt flagrant pour ce test.

Je me surprends à ressentir une inquiétude grandissante pour ses notes et pour sa place dans cette classe. Certes, ma matière ne représente pas la pierre angulaire de sa formation, mais elle est essentielle pour son diplôme. Sans ce dernier, ses projets futurs se réduiraient considérablement. Je me demande si elle mesure cette réalité.

De retour à mon bureau, je décide de sortir mon ordinateur, préférant m'immerger dans la gestion de mes heures de soutien. Peut-être pourrais-je profiter de ce moment pour lui créer un emploi du temps spécifique, des heures qui lui seraient dédiées afin de combler ses lacunes.

Mon regard se lève à intervalles réguliers pour observer les autres élèves, qui, pour la plupart, sont absorbés dans leurs réponses, la mine concentrée, certains terminant déjà leurs rédactions tandis que d'autres luttent visiblement pour ne pas céder au stress. Quant à elle, Eleanore n'a pas avancé. Elle a même cessé de feindre un intérêt pour le test. Elle sort discrètement son téléphone, sans remarquer que je l'observe, comme si elle voulait à tout prix échapper à cet instant.

Je ferme mon ordinateur, inspirant profondément pour garder mon calme, avant de me lever et de m'approcher lentement. Eleanore, totalement absorbée par son écran, semble ignorer ma proximité. Son visage est tendu, presque figé, et il est impossible pour moi de déchiffrer ce qui passe dans ses yeux : de la peur ? De la tristesse ? Ou encore autre chose que je ne parviens pas à cerner ?

Posant une main ferme sur son bureau, je me penche vers elle. Le bruit soudain semble la tirer de sa bulle, et elle cache immédiatement son téléphone sous sa cuisse, redressant la tête vers moi. Son visage est indéchiffrable, marqué par une lueur qui échappe à mon jugement. Comme une réponse à mon silence, elle détourne les yeux, fixant la fenêtre avec une intensité étrange, sans dire un mot.

-Votre téléphone, Eleanore..., dis-je d'une voix basse mais ferme.

Elle demeure silencieuse, m'ignorant ostensiblement, un geste qui me laisse entre irritation et confusion. Mon regard se durcit alors que je répète, plus fort cette fois :

-Je ne me répéterai pas, Eleanore.

Elle sursaute, cédant finalement à la pression en posant son téléphone dans ma main. Sa réaction attire quelques regards des élèves voisins, des regards curieux mais prudents. Je m'approche davantage, décidant de murmurer pour éviter que le reste de la classe n'entende la suite de mes mots :

-Vous resterez à la fin du cours.

Elle ne répond rien, détournant son regard vers le sol tandis que je m'éloigne et retourne à mon bureau, posant son téléphone à côté de mon ordinateur. Je repense brièvement aux quelques questions inachevées de sa copie. Ses réponses éparses et bâclées laissent deviner une préparation superficielle ou peut-être un manque total d'intérêt. Je m'en veux un instant de ne pas avoir insisté plus tôt pour lui proposer une aide supplémentaire, mais après tout, elle n'a pas semblé vouloir faire d'efforts.