Tears and memories

Raphaël

Une lumière douce filtre à travers les hautes fenêtres de l'université tandis que je me dirige vers ma salle de classe. Les cours ont commencé il y a quelques minutes, et je me retrouve en retard. Ma moto a décidé de me jouer des tours ce matin, refusant de démarrer malgré mes tentatives. À contrecœur, j'ai dû prendre la voiture, mais la chaleur intense accumulée par l'habitacle sous le soleil m'a rendu nerveux. L'air brûlant y était suffocant, comme si je perdais mon souffle à chaque respiration.

En arrivant enfin devant la porte, je constate que mes élèves se sont déjà installés. Les voix s'entremêlent dans une cacophonie de discussions et de rires, formant un bruit de fond qui me martèle la tête. Aucun n'a remarqué ma présence, à l'exception d'une élève au fond, assise près du mur. Eleanore Davies. Elle est là, calme, et ses affaires sont soigneusement posées devant elle, prête à commencer.

Je pose mes affaires sur le bureau, espérant que ce petit signe les incitera à se taire. Je me permets un coup d'œil vers Eleanore, dont les yeux, un instant fixé sur moi, se sont détournés pour observer distraitement la salle. Il y a quelque chose d'étrange chez elle aujourd'hui. Elle porte un foulard, malgré la chaleur étouffante de l'après-midi. Quel mystère entoure cette jeune fille ? Chaque détail me donne envie de percer son silence, de comprendre ce qu'elle cache derrière son allure insaisissable.

-Bonjour à tous, lançai-je en élevant la voix. Nous allons commencer le cours, s'il vous plaît.

Les bavardages s'éteignent peu à peu, et les élèves se tournent enfin vers moi. Le silence s'installe, me libérant d'un poids, et je démarre le diaporama pour introduire le sujet de la journée : les structures excitables, un chapitre fascinant sur la neurophysiologie.

-Nous allons reprendre là où nous nous sommes arrêtés. Pour ceux qui n'étaient pas là, nous étudions la synapse neuro-musculaire, dis-je, mes yeux balayant la salle.

J'enchaîne, déroulant les explications apprises par cœur durant mes propres années d'étude. La plupart des élèves ne prennent pas de notes ; je leur partage tout le contenu via leurs ordinateurs. Certains écoutent attentivement, ajoutant des annotations personnelles, tandis que d'autres, moins impliqués, s'abandonnent à leurs distractions : films, séries, ou même, pour certains, quelques minutes de sommeil. Parmi eux, toujours au fond, Eleanore. Elle semble ne jamais écouter un mot de mes explications, préférant laisser sa tête sombrer sur le bureau, enveloppée dans son propre monde.

Cela m'intrigue. Quelle est sa vie en dehors de ces murs pour qu'elle soit si souvent en décalage, semblant lutter contre un épuisement invisible ? Son comportement, désinvolte le jour où elle m'a percuté dans le couloir, m'a agacé ; pourtant, quelque chose me pousse à vouloir comprendre. N'est-ce pas aussi mon rôle de professeur ?

Je les interromps brièvement :

-Je vous demande maintenant de faire un exercice. Vous trouverez les instructions sur la séance d'aujourd'hui, dis-je en éteignant le projecteur. Je vous donne une dizaine de minutes et pendant ce temps je vais ramasser ce que je vous avais demandé de travailler hier.

À peine ai-je terminé ma phrase que je vois Eleanore lever la tête brusquement, me fixant avec une certaine inquiétude. Un sourire discret naît au coin de mes lèvres : je comprends qu'elle n'a pas fait l'exercice préparatoire. Je m'avance entre les rangs, ramassant les devoirs de chacun, sauf celui d'Eleanore. Mon regard s'arrête sur elle, attendant qu'elle m'explique son oubli.

-Votre travail, s'il vous plaît, demandai-je d'une voix calme.

Elle baisse les yeux, légèrement honteuse.

-Je... je ne l'ai pas fait.

-Et pourquoi donc ?

Elle hésite.