« Putain, Thomas ! Je ne te comprends plus ! Qu'est-ce qui te prend, bordel ? »
Le jeune homme venait de faire valser son verre à travers leur appartement, perturbant Newton qui était pris d'un ressort d'incompréhension et de frissons de terreur. Thomas s'enflamma : « Ce qui me prend ?! Ce qui me prend ?! Putain, Newt ! Tu le fais exprès ?!
— Quoi ? Qu'ai-je donc fait pour te mettre dans cet état ?
— Tu le ramènes chaque putain de nuit ! Chaque nuit ! vociféra-t-il. On ne passe plus une seule seconde ensemble et maintenant, tu veux emménager avec lui ?! Tu comptes vraiment m'abandonner sans rien dire d'autre, l'air innocent ? Putain ! Tu fais tout, pour me mettre dans cet état ! Tout !
— Nathan est mon petit ami ! Mon petit ami ! C'est normal que je veuille être avec lui ! Je ne comprends pas ce qui te dérange ! Tu devras être heureux pour moi ! Heureux que j'ai enfin trouvé le bon ! »
Quelque chose se brisa dans le regard de Thomas à ces mots. Sa haine s'apaisa d'apparence, il quitta les yeux du blond pour les poser dans le vide et ne dit rien. Newton ne savait plus s'il devait répondre à ce silence, perdu devant la réaction de son ami dont il ne saisissait pas même l'ombre d'un détail. Il l'observa s'enfuir dans sa chambre et bégaya : « Tommy ? Que fais-tu ? » Il le suivit et l'aperçut tasser une poignée de vêtements dans un sac. Ses yeux grossirent alors qu'il l'arrêtait : « Eh ? Pourquoi fais-tu ta valise ? Tu pars ? » Thomas ne prononça pas la consonne d'une syllabe et rejoignit l'entrée. Son ami courut après lui, hurlant : « Eh ! Putain, Tommy ! Qu'est-ce qui ne va pas ? Explique-moi ! Tu me perds ! » Le brun fit volte face, les joues mouillées de pleurs. Les lèvres du blond tombèrent face à son immense tristesse. Que lui avait-il reproché pour faire naître d'aussi grandes larmes ? Thomas répéta d'un ton détaché : « "Tu devrais être heureux. Heureux que j'ai enfin trouvé le bon." » Newton fronça les sourcils, mitigé par une telle citation qui ne représentait rien dans leur altercation. Thomas accueillit son silence avec un sanglot, murmurant : « Comment peux-tu me demander d'être heureux pour toi alors que je croyais être "le bon" ?
— Q... Quoi ? »
Thomas comptait ouvrir la porte, mais Newton se jeta sur lui et les enferma à clefs. Il haleta, pris de surprise : « "Être le bon" ? "Le bon" pour quoi ?
— Être celui qui resterait toujours à tes côtés... celui avec qui tu partagerais ta vie...
— C'est le cas ! Je t'aime, Tommy ! Je t'aime tellement ! Tellement !
— Ta gueule ! rugit-il, tremblant à nouveau de rage. Ta -- gueule ! »
Newton écarquilla les yeux, bredouillant encore, tout secoué par cette violence qui lui semblait gratuite : « Q... Quoi...? » Thomas jeta son sac à terre et pointa un doigt menaçant vers son torse. Il ordonna : « N'ose pas me dire que tu m'aimes ! C'est faux ! Tu ne m'as jamais aimé et tu ne m'aimeras jamais !
— B-Bien sûr que si ! fit-il, intimidé par son comportement. Je t'aime, Tommy ! Nous nous connaissons depuis tellement longtemps... Je t'ai aimé dès le début !
— Pas comme j'aurais voulu que tu m'aimes ! pleura-t-il finalement. À moi, tu ne réserves que tes discours amicaux, rien d'autre que des potins sur ta vie ! Tu ne m'offres rien de ce que je rêve que tu m'offres !
— Mais... que voudrais-tu...? demanda-t-il, déboussolé face à tant de douleur.
— Tout ! Je veux tout de toi ! Ton corps, ta chaleur, ton cœur, ton amour ! Tout ! Je veux t'appartenir et que tu m'appartienne ! Je veux ce que cet enfoiré a !
— C'est pour ça, que tu me reproches de trop inviter Nate ? Tu... Tu en es jaloux...? »
Thomas le dévisagea d'un regard blessé, presque meurtri, les yeux regorgeants de larmes brûlantes qui le piquaient et martyrisaient son crâne avec d'horribles maux. Son silence laissa Newton perplexe. Il relâcha son visage, avança doucement vers lui pour murmurer : « Tu es amoureux de moi...? » Thomas s'échoua aux pieds de la porte et éclata en sanglots, la tête réfugiée entre ses genoux. Le blond s'agenouilla lentement devant lui, chuchotant toujours : « Depuis combien de temps...?
— Depuis que je t'ai vu... avoua-t-il d'une voix brisée. Depuis le début... »
Ses pleurs s'accentuèrent et, affecté par son mal-être, Newton le serra dans ses bras. Thomas tira ses vêtements, se laissa pleurer dans le creux de son cou et se lamenta : « J'ai essayé, de ne pas t'aimer, je te le jure... J'ai... J'ai tout fait... Je ne voulais pas gâcher notre amitié ni ta vie, je te le jure ! Mais je n'ai pas réussi... Je... Je n'y arriverai jamais... » Le blond raffermit son étreinte et soupira, les mains caressant les cheveux du brun. Il déduisit : « C'était donc ça... Ton mépris pour Nathan, ta crise... Toute cette rage... seulement pour moi ? » Thomas hocha faiblement la tête, les yeux clos. Newton murmura : « Tommy... Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt ? Moi... Moi qui... ne te pensais même pas gay... rougit-il un peu.
— J'aurais tout gâché... Exactement comme ce que je suis en train de faire...
— Tu ne gâches rien... Au contraire, je suis celui qui te complique la vie... et j'en suis désolé...
— Tu n'as pas à l'être. contredit-il aussitôt. Je ne compte pas t'obliger à tomber amoureux de moi.
— Tu n'en n'as pas besoin... »
Thomas releva lentement son regard dans le sien, perdu dans ses lamentations. Newton se racla doucement la gorge : « Nathan... Il a beaucoup de mal avec toi, depuis un long moment... Il n'a pas confiance en la façon dont je te regarde, ni même en ma façon de te faire des éloges jusqu'à m'étouffer avec ma propre salive. Il n'aime pas non plus la manière que j'ai de toujours parler de toi, ni la manière que j'ai de prononcer ton surnom. Il a peur que je le largue pour toi. C'est en partie pour ça, qu'il vient souvent à la colocation... il veut s'assurer que je ne suis pas amoureux de toi. Mais, récemment... je lui ai fait part de mes sentiments qui penchaient de plus en plus vers l'ambiguïté. Il a pris peur et... m'a proposé d'habiter avec lui. Je n'ai pas su comment refuser, alors... j'ai accepté. C'est quelqu'un de bien, mais... » Il rencontra ses yeux et acheva : « Ce n'est pas toi. » Thomas releva d'une voix un peu plus aiguë : « Ce n'est pas moi ?
— Non... sourit-il doucement. Personne ne le sera jamais... je n'aimerai jamais plus personne comme je t'aime.
— Q... Quoi ? bégaya-t-il à son tour.
— Tommy... Je te pensais hétéro et tout sauf intéressé... je n'ai jamais osé... t'en parler... Ex-Excuse-moi...
— Tu m'aimes ? »
Newton hocha lentement la tête, comme mis à nu. La tendresse de son sourire fit frémir Thomas, soudainement porté par un calme apaisant. Le blond encadra son visage de ses mains et dit : « Je t'aime, Tommy. Je t'ai toujours aimé comme tu l'aurais voulu. Et je suis prêt à le faire dans le noir comme dans la lumière. »