Prends ma main

Chapitre 3 partie 1

Marry avait pris l'habitude de terminer sa journée à la boutique à six heures précises, une routine immuable qui marquait la fin de ses heures de travail. Épaulée par sa patronne pour le rangement final, les gestes étaient précis, automatiques, tandis que les conversations restaient brèves et fonctionnelles, s'assurant que rien ne prolongeât inutilement leur journée. Une fois ses affaires récupérées, Marry quittait le magasin avec une certaine hâte, ses pensées déjà tournées vers le moment où elle retrouverait la voiture noire stationnée devant l'entrée.

À sa grande surprise, Aeden était assis à l'intérieur, son visage éclairé par la lumière bleutée de l'écran de son téléphone. Il était absorbé, les yeux rivés sur l'appareil, sans même un regard pour elle. Cela ne la surprit pas car ces derniers temps, il était rarement là, constamment en déplacement pour des affaires mystérieuses. Leur temps ensemble était devenu rare, et Marry se sentait souvent seule dans l'immensité de sa maison. Pour combler cette solitude, elle avait appris à connaître les employés d'Aeden : Angela, la cuisinière et gouvernante de la maison, toujours souriante et attentionnée ; Lorenzo, le jardinier, avec ses mains terreuses et ses histoires de plantes ; et Roberto, le chauffeur, un homme discret mais dont les sourires rassurants dans le rétroviseur avaient fini par lui devenir familiers.

Ce soir-là, en montant à bord de la voiture, Roberto lui adressa un de ces sourires chaleureux dans le rétroviseur. Marry lui répondit par un léger hochement de tête, tout en posant instinctivement ses mains sur son ventre arrondi, un geste protecteur presque inconscient. Le trajet se déroula dans un silence presque absolu, brisé uniquement par le doux ronronnement du moteur. Ce silence n'était pas inhabituel ; il caractérisait leurs échanges de plus en plus rares. Chacun semblait vivre dans son propre monde, les regards se croisant à peine, les mots se faisant rares. Marry pensait souvent à cette distance grandissante entre eux, se demandant si Aeden ressentait la même chose.

Cependant, quelque chose d'étrange l'avait récemment troublée. Elle avait remarqué que certains hommes d'Aeden la surveillaient discrètement lors de ses promenades ou même pendant ses journées de travail à la boutique. Des hommes armés, à l'allure discrète mais toujours en alerte, leurs regards perçants scrutant les alentours. Ils tournaient à des heures différentes, changeant de rythme pour ne pas laisser deviner leur routine de surveillance. Une technique sans doute destinée à tromper l'ennemi. Marry avait saisi cette réalité en les observant depuis l'arrière de la boutique de fleurs, leur présence constante devenant une ombre inquiétante sur sa vie quotidienne.

« Des nouvelles ? » demanda-t-elle finalement. « Monetti veut toujours notre mort ? »

Le brun releva son regard de son téléphone pour l'observer silencieusement. Il se demandait encore une fois pourquoi elle agissait comme si ce n'était rien d'être traquer par l'un es plus grands mafieux d'Italie. Peut-être sous-estimait elle leur ennemi ?

« Ça avance. » dit-il simplement.

« Mais encore ? »

Elle planta ses iris dans les siennes, espérant le déstabiliser par la force de son regard. Cependant, cela eut l'effet inverse. Ses yeux noirs brillaient d'une intensité qui la força à détourner le regard. Elle ravala sa salive, et détourna son attention vers le paysage qui défilait au bord de la route, cherchant un semblant de tranquillité dans le mouvement monotone des arbres et des bâtiments.

Le trajet, toujours aussi silencieux, s'acheva enfin lorsque le chauffeur gara la voiture devant la maison d'Aeden. Sans un mot, ils sortirent rapidement du véhicule, chacun reprenant ses habitudes comme si rien d'inhabituel ne s'était passé. Marry marcha lentement vers sa propre porte d'entrée, son pas lourd, son esprit embrouillé de pensées non résolues. Le poids des non-dits et des mystères entourant Aeden semblait la plonger chaque jour davantage dans un océan d'incertitudes.