Chapitre 12

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Depuis plusieurs mois, c'était devenu une habitude pour Marry de se rendre chaque jour à l'hôpital, une routine morne et épuisante qu'elle accomplissait inlassablement. Ses traits étaient tirés, ses yeux cernés par des nuits blanches, passées à tenter de trouver le sommeil malgré les pleurs de Lior, son fils, qui ne faisait pas encore ses nuits. Ses épaules étaient voûtées sous le poids d'une fatigue intense, et chaque pas semblait absorber le peu d'énergie qu'il lui restait.

Son apparence était à la limite du spectral ; son teint pâle et ses yeux vides faisaient presque peur à ceux qui la croisaient. Gio, d'ailleurs, l'avait bien remarquée. Lorsqu'il la croisa dans les couloirs sombres de la maison, il lui adressa un petit sourire en coin, ses yeux détaillant son visage marqué par la fatigue. Elle passa devant lui telle une ombre errante, presque détachée de la réalité, comme si son esprit n'était plus vraiment là, mais quelque part, toujours à côté du brun.

Il savait qu'elle souffrait en silence. Il savait aussi qu'elle avait dû affronter seule l'accouchement de son fils, et l'absence d'Aeden, qui maintenant plongé dans le coma, l'avait laissée dévastée.

Mais ce qui l'avait aussi remarqué ce jour-là, c'était l'état du lit d'Aeden. Les draps étaient défaits, froissés de manière inhabituelle. C'était presque absurde, car le brun, perfectionniste jusqu'à l'obsession, détestait ce genre de désordre. Tout devait être carré, aligné, impeccable.

Gio comprit rapidement : c'était Marry qui dormait là, blottie dans ces draps, espérant secrètement que la proximité de ce lit encore imprégné de la présence d'Aeden pourrait lui apporter un peu de réconfort. Ce geste désespéré lui arracha un soupir silencieux.

Le blond, lui, affichait un masque d'indifférence, se comportant comme si l'hospitalisation d'Aeden n'avait pas d'importance. Son sourire était toujours là, ses gestes décontractés, et rien dans son attitude ne laissait transparaître la moindre inquiétude. Il agissait comme si de rien n'était, lançant des plaisanteries, essayant de se convaincre que tout allait bien. Mais la façade n'était qu'une illusion, un rideau de fumée destiné à masquer l'ampleur de son malaise.

Ce n'est que dans le silence de la nuit que Gio laissait tomber ce masque. Étendu dans son lit, l'obscurité comme unique témoin, il tenait son briquet dans une main, observant la flamme danser devant ses yeux. La lueur vacillante était hypnotique, presque apaisante. Pourtant, la réalité revenait le frapper avec violence à chaque respiration. D'un geste machinal, il abaissait la flamme vers sa cuisse, la laissant mordre sa peau nue jusqu'à sentir la brûlure intense, celle qui, pendant un instant, lui faisait oublier la douleur plus profonde qui l'habitait.

Les sourires, les paroles légères, tout n'était que façade. À l'intérieur, Gio s'en voulait à en mourir. L'image d'Aeden, immobile sur ce lit d'hôpital, lui revenait sans cesse, déformée, tordue par sa culpabilité. Son seul ami se retrouvait entre la vie et la mort à cause de lui. Cette pensée le rongeait comme un poison.

S'il avait correctement tué Francesco, Aeden ne serait pas à l'hôpital aujourd'hui. C'était aussi simple que cela, et pourtant d'une complexité insupportable. Cette idée tournait en boucle dans son esprit, creusant un gouffre de remords et de haine de soi. Son incapacité à achever ce qu'il avait commencé le consumait. Chaque brûlure sur sa cuisse n'était qu'une tentative maladroite de transférer la douleur mentale à une souffrance physique, mais rien n'y faisait. Le tourment revenait toujours, encore plus puissant, le plongeant dans une spirale de chaos intérieur.

Gio n'était pas stable, il le savait. Son esprit était un champ de bataille, où les émotions se livraient un combat sans merci. La colère, la culpabilité, le désespoir... tout se mêlait, le rendant malade à l'idée que son échec ait coûté la vie – ou presque – à la seule personne qu'il considérait comme un frère.

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