Chapitre 15

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Giovanni avait pris l'habitude depuis des années de fréquenter la maison d'Aeden comme si c'était la sienne. Il y mangeait, dormait et travaillait, s'y sentant presque aussi chez lui qu'auprès de ses propres affaires. Malgré son appartement, où les murs résonnaient du vide de ses pensées, il trouvait du réconfort dans la présence de son ami. Aeden, avec son regard sombre et son attitude souvent renfermée, avait été une ancre pour lui, un point de stabilité dans une vie parfois chaotique. Giovanni avait compris, à son tour, que son ami avait aussi besoin d'une présence pour ne pas sombrer dans la solitude.

Cependant, tout avait changé depuis que Marry avait emménagé chez Aeden. Giovanni se retrouvait à s'éclipser de plus en plus, un sentiment d'inadéquation le poussant à s'éloigner.

La première raison de son retrait était évidente : il n'avait aucune envie de déranger la blonde. Il avait observé avec plaisir Aeden se rapprocher d'elle, appréciant de le voir enfin tisser des liens en dehors de leur relation. Lui, qui avait toujours été un loup solitaire, semblait s'épanouir sous cette nouvelle dynamique, et Giovanni ne voulait pas interférer.

Ensuite, il y avait le bébé. Giovanni avait toujours su qu'il n'était pas fait pour le rôle de nourrice. L'idée de se pointer chez le brun pour se retrouver face à un tout petit le faisait grimacer. Les pleurs, les couches, les tétées... Ce n'était pas son genre. Il préférait laisser ce rôle à Marry et Aeden, deux personnes qui, à ses yeux, semblaient faites pour être des parents. Loin de lui l'idée de dévaloriser son amitié avec le brun, mais l'univers des bébés était un territoire qu'il n'était pas prêt à explorer.

Mais la troisième raison, et sans doute la plus profonde, résidait dans l'ombre de sa jolie voisine, Ardémis. La jeune femme, avec son grand sourire contagieux et son rire cristallin, avait commencé à faire surgir en lui des émotions qu'il avait enfouies depuis longtemps. Chaque fois qu'il la croisait, son cœur s'emballait, et une chaleur douce se répandait dans son ventre. Il se surprenait à chercher des occasions de la croiser, à tenter de la connaître, mais cela lui faisait aussi peur. Ce qu'il ressentait pour elle était nouveau, déroutant. Giovanni n'était pas habitué à s'ouvrir ainsi, et la perspective de ces sentiments le paralysait autant qu'elle l'enflammait.

Il se tenait souvent à la fenêtre de son appartement, observant le quotidien d'Ardémis à travers la lumière tamisée du soir, s'interrogeant sur ce qu'il pourrait lui dire, sur les mots qu'il pourrait choisir pour la séduire. Mais à chaque fois, une part de lui le retenait, se disant que cela ne serait qu'une distraction, que la douleur de son passé le rattraperait. Et alors, il finissait par détourner les yeux, se réfugiant dans la tranquillité du silence qu'il avait appris à chérir, tout en sachant pertinemment qu'il perdait peu à peu le contact avec Aeden.

Seulement, cela ne voulait pas dire que Giovanni n'allait plus voir son ami. Au contraire, il passait tous les jours chez Aeden pour prendre de ses nouvelles, une sorte de rituel dont il ne pouvait se passer.

Mais cette matinée-là, alors qu'il franchissait le seuil du bureau d'Aeden, il fut frappé par un sentiment de malaise. Le brun était assis derrière son grand bureau en bois, entouré de dossiers et de papiers éparpillés, l'air concentré mais visiblement épuisé. Des cernes marquées creusaient son visage, témoignant de nuits sans sommeil. Giovanni fronça les sourcils, inquiet. Depuis que Marry avait emménagé, il avait pensé qu'Aeden passerait moins de temps à travailler seul dans cette pièce souvent trop sombre, mais il se trompait.

Il comprit alors que quelque chose n'allait pas. Les longues heures qu'il passait avec Marry ne semblaient pas apporter le réconfort escompté à son ami. Au lieu de cela, Aeden était redevenu un fantôme, enfermé dans ce bureau où l'air stagnait, saturé de stress et de fatigue. Le blond s'approcha du grand bureau, s'y installant sur une chaise tout en balançant ses pieds sur le bois poli, un grand sourire sur le visage. C'était une habitude qu'il savait irritante pour Aeden, mais il avait besoin d'alléger l'atmosphère.

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