9.

660 155 151
                                    

Aujourd’hui, c’est vrai que je ne suis pas la représentation même de l’amabilité. Pour deux raisons très simples : je n’ai aucune envie d’être là. Il faut dire que ce n’est pas mon plus grand kif d’aller au lycée. Puis, deuxième raison qui en vaut bien une dizaine : je cite les quatre lourdauds qui m’entourent.

Je pourrais bien vous les présenter histoire de faire connaissance mais j’ai une flemme monumentale. Je n’ai pas envie de perdre mon temps avec des Michel en devenir. Parce que, oui, je suis sûr qu’ils ont un gêne en commun avec le psychopathe du métro. Leurs espèces ne doivent pas être très éloignées. 

Seulement, ce sont des connaissances à Alex. Alors on doit faire avec.

Enfin je dis « on » mais je dois faire avec. Will est une sorte de sage qui ne critique jamais personne. Il n’y a que moi qui est dérangé par ces débiles.

Je sais, il faut que j’arrête de porter jugement sur les autres et tout ce qui s’ensuit. Mais parfois, dans des cas très précis comme celui-là, il est nécessaire d’écouter son instinct. Moi, dès le début, je ne les ai pas senti ces gars. Et vous voulez savoir ? Comme d’habitude, j’ai raison. 

— Fais pas ta tapette, Michel, allez !

Bon d’accord, il n’a pas vraiment dit ça. Il a plutôt lancé de sa voix grave et grasse d’ado qui veut asseoir son autorité de mâle tout puissant : « Fais pas ta tapette, Hugo, allez ! » (ça aurait été trop beau qu’il s’appelle vraiment Michel).

De là, Hugo a répondu je ne sais trop quoi à Milo. Milo s'est marré et l'a insulté. Et Bla Bla Bla.

Je vous épargne les remarques homophobes, les débats enflammés sur le corps de Carole et les rires qui vous tapent sur le système. Peut-être que j’exagère légèrement, rien qu’un peu, ils ont sûrement de bons côtés si on creuse. Enfin faut quand même  avoir une vraie détermination et de bons bras pour creuser assez profond. Perso, je n’ai aucune motivation et mes bras ne sont pas mon atout majeur.

Mais vous savez le plus fou dans tout ça ? Ce sont ces mêmes gars qui font rêver tout le monde.

Ce sont ces gars qu’on retrouve dans les livres, dans les films, dans les rêves des filles et parfois même dans leur lit.

Non mais qu’on se le dise, les gars gentils ne font rêver personne. La gentillesse est passée de mode. A croire qu’on est tous un peu masos, qu’on prend tous un malin plaisir à se faire souffrir.

La souffrance est devenu un truc qu’on vend, compressée dans des pages jaunies, emprisonnée dans des écrans géants. La souffrance est devenu un truc qui fait rêver. Maquillée derrière un beau corps musclé, elle ferait bander n’importe qui. Ouais, vas-y, fais-moi mal.

C’est ça l’amour, non ? Tu me fais mal, je te fais mal, on se détruit et demain ça ira mieux.
Non mais je vous jure… Pas étonnant qu’on soit tous tarés. 

Enfin, loin de moi l’idée de faire  des généralités ou une quelconque leçon de morale. Je dis juste que j’ai du mal avec tout ça. C’est vachement injuste quand on y pense. Bien sûr qu’ils ont sûrement des côtés positifs ces gars. Bien sûr que tout le monde souffre, qu’on ne naît pas con et méchant. Mais est-ce que je suis vraiment obligé de les supporter ? 

Alex me lance un regard, du genre : « Arrête de faire ta tête de con, je vais te défoncer, mec. Sois sympa. » Mon Dieu, il a de la chance que je l’aime. 

— Alors Noah…Hum… Elle va bien ta copine ?

Je regarde Alex, du genre : « C’est tout ce que je peux faire, et si ça te va pas, va te faire foutre. »

Confessions d'une tapetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant