Confessions d'une tapette

47.

Chère Alice, 

Je fais le même cauchemar. Tous les soirs. Mais ce n’est plus moi. C’est toi. C’est toi à ma place. 

J’ai tellement regretté, Alice. Je ne pensais pas qu’en venant avec moi, cet été-là, ce serait toi qu’il toucherait, baiserait, et rendrait muette. Je pensais qu’il n’oserait pas.
Te toucher.
Me toucher.
Je pensais que j’avais le droit au répit. Qu’en étant deux, il me laisserait tranquille pour un été. 

Mais j’ai vu dans ta fuite, toute la tristesse qu’il a mise dans ton ventre. J’ai compris à l’instant où tu es revenue de la plage, ce soir-là. 

J’ai compris parce que ce n’était plus toi. 

C’était moi. 

Je me suis revue. Les premiers temps.

Mes douches interminables. 

Mes crises de larmes. 

Mon silence. 

Et, je sais que tu as compris à l’instant où tu es revenue de la plage, ce soir-là. 

Tu as compris pourquoi je détestais mon oncle. 

Tu as compris pourquoi c’était aussi dur d’aimer mon père à qui je ne pouvais rien dire. Je ne pouvais pas lui faire ça, lui dire que son frère adorait jouer avec moi dans ma chambre depuis petite.

J’en suis tellement désolée, Alice. De n’avoir rien dit. De t’avoir invitée. Sans moi, rien de tout cela ne serait arrivé. 

Il faut que tu saches : je suis désolée. J’ai compris, je ne t’écrirai plus. Il faut seulement que tu saches : je ne pensais pas qu’il oserait. 

Sa main sur ton corps. 

Son sexe dans ta bouche. 

Ses mains partout. 

Son souffle dans ton cou. 

J’y pense tout le temps.

Mais j’ai compris, je t’assure. Tu veux oublier.

Je ne t’enverrai plus de lettres. J’ai compris. Je ne suis qu’un souvenir auquel tu ne veux plus penser. 

J’espère que tu vas le mieux possible et qu’un jour, tu repenseras à tout le reste. Nos étés insouciants. Si légers. Les glaces. La plage. Nos jeux de cartes. Ta manie de m’appeler par mon nom entier « Meredith ». Moi, c’est ça que je garde. 

Si tu veux parler, Alice, si tu veux crier, je suis là. Je suis prête. Un ami — j'ai toujours dû mal à y croire, après toi, je me suis obstinée à éviter le monde entier — m’a fait comprendre qu’on ne peut pas se taire éternellement. 

Il faut réparer. 

Réparer son cœur. 

Consoler. 

Consoler l’enfant qu’on était, Alice. 

Je crois que, je ne veux plus me taire. 

Demain, j’irais voir un psychologue, j’ai pris rendez-vous. 

Je veux aller de l’avant Alice et j’espère que toi aussi.

Ton amie, 

Edith, Meredith, ou M., peu importe. 

N’oublie pas que je t’aime.

***
N'hésitez pas à continuer votre lecture. Un deuxième chapitre vous attend ce soir. Je trouvais que l'un n'allait pas sans l'autre...

Hana^^