Préparez-vous. Asseyez-vous confortablement et évitez la syncope. Je ne veux pas avoir de morts sur la conscience.
Je vous préviens de suite : je ne suis pas en plein délire. J'ai toute ma tête.
Ce n'est pas un rêve farfelu. Alors que je suis assis en train de errer comme un perdu sur mon téléphone, Édith s'avance vers moi. Elle se laisse tomber sur une chaise et me regarde de ses yeux las.
- J'ai écouté, lâche-t-elle. Ce n'est pas trop mal.
Il me faut une éternité pour me rappeler des Gits. Mon visage s'illumine d'un sourire vainqueur. Je vous ai déjà dit que je suis un putain de beau-gosse ?
- Ça va, tu ne te sens pas trop mal de faire preuve de gentillesse ? Ton cœur est toujours en place ? Tu es sûr que tu ne veux pas que je parte ? Je ne voudrais pas polluer ton air.
Elle me lance son regard le plus noir redevant ainsi elle-même :
- Même à des kilomètres, tu arriverais à me « polluer l'air ».
- Qui aime bien, châtie bien, lui fais-je malicieusement.
- Dans tes rêves, peut-être.
Dieu merci, je ne suis pas trop susceptible. Je ris tandis qu'elle me dévisage.
- Arrête de bouger ta jambe dans tous les sens.
Mes yeux s'écarquillent, j'ai envie de protester, mais voir Édith me parler volontairement relève de la folie pure, alors je cesse le mouvement incessant de ma jambe.
- Je sais que tu ne connais pas très bien tout ça, mais en fait, je suis un être-humain. J'ai des émotions, je ne sais pas si tu en as déjà entendu parler. Je suis stressé.
Ça paraît lui demander un effort incommensurable mais elle finit par demander d'un ton bourru qui, si je ne la connaissais pas, me ferait fuir direct :
- Pourquoi ?
C'est clair qu'un inconnu pourrait croire qu'elle n'en a rien à faire. Mais si elle fait l'effort de poser la question, c'est qu'elle attend quelque chose. Seulement, que lui dire ? « J'ai des difficultés avec un enfant » ?
- C'est encore ton père mort ?
Tant de délicatesse...
- L'enfant que je garde a son père qui bat sa mère.
C'est dit. Rien de plus simple.
C'est la première fois, je crois, que je la vois arborer autre chose qu'un profond ennui. Elle s'emballe, a les joues rouges, s'agrippe à la table en m'engueulant, ce qui ne change pas grand-chose de ses habitudes quand on y réfléchit bien, elle a toujours l'air d'aboyer sur tout le monde.
- Et qu'est-ce que tu fais ?! Il est où cet enfant ?
- Avec ses parents, réponds-je.
Elle secoue la tête, consternée.
- Tu es complètement inconscient ! Tu comptes le laisser au milieu de tout ça ? Avec un père violent, une mère qui souffre ? Les enfants ne peuvent pas se défendre, tu entends ? Si tu ne l'enlèves pas de ce milieu toxique, personne d'autre ne le fera. Mis à part sa mère, mais qui te dit qu'il ne sera pas déjà trop tard ?
Je la regarde, et je la trouve sublime. Je sais, ce n'est pas le moment. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Pour une fois, elle paraît animée par quelque chose. Son visage ne paraît plus aussi sombre... Elle paraît plus complète, Édith dans toute sa complexité.
- Arrête de m'observer, me dit-elle, ce qui a le mérite de me sortir de mes réflexions.
- Je ne t'observe pas.
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Confessions d'une tapette
Teen Fiction✨GAGNANT 2023 DU PRIX MEILLEURS PERSONNAGES DES WATTYS✨ C'est l'histoire merdique de Colin. Colin avec sa fâcheuse manie de chialer pour un rien. Sa mère aussi tarée que lui, ses amis écorchés, et ses camarades qui le traitent de tapette. Mais peut...