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Édith est allée lui parler. Elle prétend me détester mais quand il est question d'aider Eliott, elle n'hésite pas une seule seconde. 

Je ne sais pas comment elle a fait mais elle a réussi. Eliott est officiellement chez sa grand-mère pour passer les vacances. En réalité, il est avec moi. Enfin avec nous. On est assis au bord du trottoir. Eliott, son sac sur le dos, joue avec ses legos. 

On ne lui a pas vraiment laissé le choix à Mathilde. Tu nous laisses Eliott ou on appelle les services sociaux. C'était l'idée d'Édith, évidemment.

Elle est vraiment coriace. Surtout quand on a appris qu'il avait déjà frappé Eliott et ce, à plusieurs reprises. Surtout, quand j'ai eu l'image d'un petit Eliott, prostré sur son lit, Brassens dans les oreilles pour ne pas entendre les cris, pour ne pas entendre les coups. Un petit Eliott enfermé dans son placard pour se cacher. Surtout ne pas bouger. Ne pas faire de bruits. Papa est fatigué... Le monstre dort.

On lui a dit que c'était la seule solution. Eliott ne peut pas rester au milieu de la violence. Ça lui laisse deux semaines pour tout préparer.  Préparer sa nouvelle vie. Éliminer le monstre qui colonise sa petite maison marron. Édith passera la voir tous les jours, m'a-t-elle dit, pour l'aider dans ses démarches, quand Benoît sera au boulot. On a contacté une association aussi. 

Mais pour l'instant, on s'occupe de ce petit bonhomme. De ce petit prince aux yeux tristes. Ils s'entendent bien avec Édith. Faut dire qu'ils ont la même capacité à se taire pendant des heures, ce dont je suis incapable. 

Pour l'instant, on a une route devant nous. Quatre heures, pour être exact. Ça encore, c'était l'idée d'Édith. Elle m'a parlé de cette maison en bord de mer dans laquelle elle se rendait avec sa famille étant plus jeune. Elle a dit que ça ne poserait pas de problèmes. Elle a fait preuve de gentillesse, et ça m'a fait bizarre. Mais j'ai vite compris que ce n'était pas pour moi. C'est pour Eliott et Mathilde. C'est pour une famille cabossée qui a besoin de se réparer. 

Un klaxon nous fait lever la tête à l'unisson. Lee et Hugo nous font leur éternel sourire. 

— Vous en avez mis du temps, se plaint Édith.

— Excusez-moi Môdame ! Il y avait des embouteillages de ouf, nous explique Lee en nous regardant dans le rétroviseur tandis qu'on charge nos affaires.

Une fois tous assis et, il faut le dire, carrément serrés, dans la petite voiture de Lee, je pose ma main sur l'épaule d'Hugo.

— Merci de nous aider.

Il sourit un peu plus. 

— C'est rien. Et puis Lee est content, ça lui donne un prétexte pour conduire, il adore ça.

— Bon alors, qu'est-ce que je vous mets ? demande Lee, son téléphone dans la main.

— Du Lana del Rey, réponds-je.

Lee m'observe bizarrement mais s'exécute. Hugo branche le téléphone de son cousin, et Édith m'observe. Je lui souris mais je finis vite par détourner les yeux. 

Au bout de la deuxième heure, on a clairement usé toute notre patience. On crève d'ennui. J'essaye de jouer avec Eliott au UNO. J'essaye de me concentrer sur les paroles des chansons qui passent. J'essaye tout et n'importe quoi mais rien à faire. Je m'ennuie. C'est donc avec une joie immense qu'on descend tous de la voiture pour aller manger sur une aire d'autoroute. 

J'achète un sandwich et une bouteille de coca pour Eliott mais je me fais engueuler par Édith, pour changer.

— Tu ne vas pas bien ! On n'achète pas une bouteille aussi énorme à un enfant ! Tu sais combien de sucres elle contient ?

Confessions d'une tapetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant