Confessions d'une tapette

29.

Bon. J'ai peut-être été un peu, je dis bien un tout petit trop optimiste.

Will n'est pas encore prêt à passer à autre chose. J'ai bien essayé de rentrer en contact mais il ne m'a pas vraiment laissé faire. Il a même changé de place dans tous les cours. Et, à mon plus grand étonnement, Alex ne m'a pas sauté dessus en me posant un milliard de questions sur les tenants et les aboutissements de cette histoire, pourtant il adore les potins.

C'est seulement en cours de sport, tandis que j'esquive le ballon pour la millième fois, qu'Alex me prend à part.

- T'as vraiment merdé, mec.

Venant d'un mec qui a insulté son ex devant ses « amis » pour se la raconter, c'est vraiment osé. Mais enfin.

- C'est Will, il va finir par passer à autre chose.

Il rit. Mais je n'ai pas vraiment l'impression qu'il rit avec moi.

- T'es trop optimiste.

- Et toi, tu es bien trop pessimiste, ce n'est pas bon à ton âge. Tu vas finir terriblement aigri.

Il secoue la tête.

- Je suis réaliste. Tu l'as pas vu ce matin. Il est hyper vénère.

Je balaye l'air d'une main nonchalante.

- C'est William, je te dis. Il n'y a pas mort d'homme, tout va s'arranger.

Il me regarde, et pour une fois il paraît sérieux. On lui voit rarement cet air-là.

- J'espère que t'y crois pas vraiment.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

Il lève les yeux au ciel et se prépare à retourner sur le terrain.

- Tout peut pas aller toujours bien, Colin. Quand est-ce que tu vas voir que tout part en couille ?

Je n'ai même pas le droit à un « colinou » aujourd'hui. Eh ben, c'est ma journée.

Je ne prends pas la peine de retourner sur le terrain. De toute façon, mon grand corps ne sert pas à grand-chose. Autant me reposer.

Puis ça continue sur la même lancée le midi, je comprends que je n'ai pas ma place à notre table habituelle. Will me dévisage, Alex ne lève même pas la tête. En plus, ils sont entourés des Michel. Génial.

Il lui faut du temps, très bien... Je pars avec mon plateau sur les bras. Je trouve une petite place dans un coin et commence à manger des épinards avec un œuf. Plus dégueu, tu meurs.

Et le pire dans tout ça, c'est certainement ce Michel errant qui a la prétention de m'imposer sa présence en venant en face de moi. Ouais, il est vachement téméraire le Hugo. Non seulement il est avec mes potes à ma table mais en plus il se lève pour venir me pourrir la vie jusqu'au bout.

Il me fait un grand sourire, l'hypocrite. Ses yeux pourraient presque disparaître, avalés par les commissures de ses lèvres. C'est exaspérant.

- Est-ce que ça te dérange si je m'assieds un peu ?

Oui. Oui, très clairement, ça me dérange. Pire, ça me court sérieusement sur le haricot. Malheureusement, ma mère m'a bien éduqué, ce qui est une entrave considérable pour dire ce que je pense vraiment.

Je hausse les épaules et continue à manger. Je ne vais pas non plus lui dérouler le tapis rouge.

Il soulève la chaise en ne faisant aucun bruit. C'est ça, fais bien ton Monsieur Parfait... Pff, il m'énerve. Il me sourit de ses dents parfaitement blanches. A croire qu'il est dans un casting pour jouer une pub colgate. Il est exaspérant.