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Il est dix-huit heures. Il fait chaud. Et je cours. En somme, rien de nouveau dans la vie mouvementée d'un Colin. Purée, elle marche vraiment vite. 

— Édith !

— Arrête de crier dans mon oreille, me dispute-t-elle en avançant encore plus vite.

Elle serre la lanière de son sac dans sa main. Pas très accueillante la Édith.

— Qu’est-ce que tu entendais par « C’est ça le problème » ?

Elle souffle, lève les yeux au ciel et finis par râler :

— Laisse-moi.

Je presse le pas.

— Qu’est-ce que tu entendais par « C’est ça le problème » ?

Oui, je lâche rarement.

— Tu connais le consentement ?

Je m’arrête deux secondes parce que je me dis : merde, c’est vrai, je la suis jusque chez elle alors qu’elle n’en a pas la moindre envie. Ça fait un peu psychopathe quand on y pense. Puis non, je recommence à la suivre. Elle ne m’aura pas comme ça. 

— Édith.

Je suis catégorique cette fois. A tel point qu’elle s’arrête pour me faire face. Je suis grave un beau-gosse.

— Laisse-moi deviner, tu n’as plus tes amis alors tu vas chercher la fille la plus seule en pensant naïvement qu’elle acceptera ta présence et sautera sur l’occasion, c’est cela ?

Je retire. Je fais moins le beau tout d’un coup. Édith 1. Colin 0.

— Tu te trompes lourdement, j’aime être seule et plus que tout, je ne veux pas de ta présence. Alors abandonne.

Soudainement je me prends en pleine face ce que je voyais déjà sans vraiment y avoir pensé : elle est seule. Complètement seule. Elle passe son temps à travailler dans son coin et, à part Alex qui lui impose sa présence, elle n’a aucun ami. J’imagine que ce n’est pas si dramatique que ça. Mais quand même. 

— Tu n’as pas envie…je ne sais pas, de rigoler avec des gens parfois ?

— Pourquoi, tu ris beaucoup avec Alex et William, toi ?

Je grimace.

— Bien envoyé.

— Je dis la simple vérité.


Ses cheveux s’emmêlent, mon téléphone se met à sonner dans ma poche, et ses sourcils se froncent. Je ne réponds pas, lève mon petit doigt en l’air.

— La vérité, rien que la vérité ?

Il reste en l’air tandis qu’elle me dévisage, l’air de ne pas trop comprendre ce qui se passe.

— La vérité, dis-je sans attendre sa réponse, c’est que je ne serais sans doute jamais venu te voir si ce n’était pas aussi compliqué avec Will et Alex. C’est vrai quoi, tu n’es pas vraiment très avenante. Mais parfois on vit des événements qui nous font voir les choses complètement différemment. Tu… Tu me fais un peu penser à mon père, ça peut paraître dingue mais tu as le même regard… Comme si rien ne pouvait t’enlever ta tristesse.

Elle ricane. Je le prends très mal pour tout vous dire.

— Alors c’est ça !? Tu as bloqué sur moi parce que je te fais penser à ton père mort ? Écoute, tu ferais mieux d’aller en psychothérapie et me laisser rentrer chez moi.

Je baisse mon doigt et fous mes mains dans les poches de mon jean. Je commence sérieusement à perdre patience. La seule chose qu’elle sait faire c’est prendre les gens de haut, déballer tout un tas de méchancetés et retourner travailler comme si rien ne c’était passé. Elle devrait écouter un bon morceau de la graaaaaaaande Nina pour se décoincer. Ou bien du Avril, tiens.

— C’est quoi ton problème ?! Pourquoi tu es toujours en colère contre tout et tout le monde ?! explosé-je.

— Et toi, pourquoi tu me suis ?!  Pourquoi tu t’évertues à poser un milliard de questions ?! réplique-t-elle sur le même ton. LAISSE-MOI !

— Tu es complètement fade et terriblement coincée ! Voilà ton putain de problème ! Tu es tellement concentrée à rester malheureuse que tu en deviens méchante avec tout le monde !

— Ne parle pas de ce que tu ne connais pas ! TU. NE. ME. CONNAIS. PAS. Maintenant, DÉGAGE !

Cette fois, je la laisse partir. Elle continue son chemin, furieuse, avant de faire volte-face, elle s’arrête devant moi et demande, sans attendre de réponse :

—  Tu me pompes l’air ! Tu fais pitié ! Tu pleures tout seul, assis par terre. Tu te bats. Tu perds tous tes amis. Je n’ai de leçons à recevoir de personne et surtout pas de quelqu’un qui est incapable de reconnaître qu’il va mal. La vérité, rien que la vérité ? Tu es pitoyable.

Puis elle part. Bon, j’imagine que vous me voyez abattu, abasourdi et que, dans quelques temps, une grande remise en question opérera. Dans la réalité, Colin ne perd jamais une bataille. Bien au contraire. Il revient plus fort et obtient ce qu’il veut. 

Hors de question de réfléchir à toutes ces sottises. Genre...

Genre, je suis pitoyable. Ça se voit qu’elle ignore qui je suis. Et puis je ne vais pas mal. OK, j’ai des insomnies. OK, Oscar est un connard. Et puis mes amis… Mais tout va s’arranger. 

La seule chose à retenir c’est qu’elle a vachement besoin de mon livre de développement personnel. Je lui dédicacerai un exemplaire.

Et puis, il n’y a rien à dire, quand on s’énerve autant c’est qu’on a quelque chose à cacher. Je  me demande bien ce qui lui arrive. 

D’habitude, je foncerais vers la boutique de Monsieur Aba pour lui demander ce qu’il en pense. Maintenant, j’ai trop honte. 

Je regarde autour de moi et me rends compte que je suis dans une rue complètement inconnue. Génial.

Je mets mes écouteurs. Du Nina Simone. Mais ça me fait trop penser à Monsieur Aba et, fatalement, Oscar et Will se fraient un chemin dans mes pensées. J’en profite pour appeler Oscar. Je tombe sur sa messagerie. Alors je remplis un peu plus sa messagerie d’insultes et finis par me retrouver sur un banc à écouter du Nirvana à fond. Au moins il n’y a aucun souvenir relié à Kurt. Si ce n’est ma tristesse de ne pas avoir pu le connaître. J’en suis sûr qu’on serait devenu potes lui et moi. Entre gringalets, on se serait sûrement compris.

***
Après un incendie, un examen avec une femme dotée d'un grand problème d'amabilité, une nouvelle musique d'Olivia Rodrigo écoutée en boucle (je ne l'aime pas particulièrement mais étonnement je n'écris pratiquement qu'avec elle. Pour Confessions d'un féministe, c'était "Jealousy, jealousy"), et de nouveaux lecteur.ice.s adorables, voici le trente-septième chapitre. J'espère qu'il vous plaira.

En espérant vous retrouver la semaine prochaine,

Amicalement,
L'auteure chaotique d'un personnage tout autant chaotique,

Hana.

Confessions d'une tapetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant