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Elle ouvre de suite, un torchon à la main et Eliott derrière elle. Une bonne odeur s’échappe de la cuisine. Ça me redonnerait presque le sourire.

— Comment allez-vous ? me demande-t-elle avec un grand sourire.

— Très bien, merci, et vous ?

Elle prend mon sac à dos, ma veste en jean, et la pose sur le canapé avant de m’entraîner dans la cuisine marron à laquelle elle a ajouté une grande peinture d’une montagne avec une  multitude de couleurs.

— C’est joli.

Ses lèvres s’étirent, elle me pousse vers le jardin. J’en reste abasourdi. La table marron est lavée, les chaises ont désormais des coussins jaunes, les fleurs sont arrosées, et l’herbe arbore une tonne de décorations, on passe des moulins à vent, aux guirlandes lumineuses et même au parasol rose. 

Ça me coupe littéralement la parole. Mathilde pose une main sur l’épaule d’Eliott tout en me regardant.

— Je crois que le rose de votre veste lui a beaucoup plus. Depuis, il ne jure plus que par cela !

Je souris mais ça se rapproche davantage d’une grimace. Je pense à ma veste posée sur ma chaise, tâchée, abîmée. Je me force à les congratuler. 

— Bravo. C’est vraiment joli.

Le petit me détaille. Maintenant, il ne détourne plus les yeux quand je le prends sur le fait. Ses grands yeux marrons m’observent. Exactement comme j’ai pu le faire au départ, quand je ne le connaissais pas encore bien et qu’il n’était pour moi qu’un mioche bizarre.

Je m’assois sur une chaise dehors, autant profiter de ce jardin enfin potable.

Eliott prend place à mes côtés. De sa petite main, il fait glisser un puzzle qu’on n’a jamais fait encore. Mais j’ai la tête ailleurs, alors je regarde le ciel. Je me concentre sur la nouvelle déco, les oiseaux, les arbres, mais surtout pas ce gamin qui me contemple avec ses yeux tristes. J’ai envie de lui dire qu’il ferait mieux de me détester, de m’éviter comme avant. Je finis par détruire tout ce que je touche. Fais attention à toi, Eliott… 

— Tout va bien, Colin ?

— Je… Ouais. Ouais, tout va bien.

Le truc, c’est qu’on a pas toujours la force de s’expliquer. C’est plus facile d’acquiescer que de se répandre devant les autres. Pourtant, j’aimerais tellement lui dire, à elle. Quoique, il ne faudrait pas qu’elle me vire. Or, si je lui dis que je me suis battu avec un Michel, je ne suis pas sûr que ça la mette en confiance.

— J’ai fait un parmigiana, j’espère que vous allez aimer. On en mange beaucoup en Australie.

Elle m’extraie de mes pensées en parlant, et en parlant, encore et encore. Je retrouve la Mathilde de la dernière fois. 

Elle me raconte son enfance en Australie, son amour pour le pays. Elle me raconte son aversion pour le marron, son envie de changement. Elle m’explique son envie d’ailleurs. Son rêve à lequel elle s’accroche comme pour ne pas mourir.

Elle raconte. Des tas de choses. Des choses joyeuses. Des choses qui donnent envie de verser quelques larmes pour s’alléger le cœur. Elle a des espoirs pleins le ventre mais la tête si pleine, qu’elle ne pourrait pas partir comme ça. Enfin elle ne le dit pas, mais je le sens. Dans ses gestes, ses yeux fuyants mais brillants.

Je me dis qu’ils sont pareils, Eliott et Mathilde. Beaucoup d’espérances mais un peu de tristesse, ou peut-être est-ce l’inverse. Je me dis qu’ils sont beaux. Et que ce serait bien de rester ici. Pour toujours, je veux dire. Je me dis que ce serait plus facile. 

Confessions d'une tapetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant