Questions [1/2]

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Un nouveau jour s'est levé. Cette fois, Sorel n'est pas partie en me laissant seule. Elle est là, profondément endormie dans mon lit. Cette fois, je ne passerai pas mon temps à me questionner sur ce que nous sommes toutes les deux. Il n'y a pas de questionnement, juste un sentiment de liberté et de bien-être. Je me sens si bien.

Cela faisait si longtemps que j'espérais pouvoir dormir et me réveiller à côté de cette femme. Maintenant que c'est fait, la sensation m'a l'air irréelle, indescriptible. Après que je me sois confiée à elle, je me suis abandonnée une nouvelle fois dans ses bras. Un bonheur simple qui m'a fait oublier le temps d'un instant, les petites turbulences que je traverse.

Il y a quelques semaines, Sorel m'a donné le goût sucré de la liberté. Ses visites impromptues, nos baisers, nos étreintes folles et nos parties de jambes en l'air souvent féroces, ont élevé les linteaux des portes d'un nouveau monde. Un monde où je n'ai pas peur de faire ce que je veux, ce qui me passe par l'esprit. Il fut un temps, ma famille me maintenait dans une bulle inconfortable. Une bulle de moralité, une bulle d'inquiétude et de peur. Mon grand amour m'a ouvert les yeux et m'a libérée.
Je ne m'inquiète plus du fait que Sorel soit la meilleure amie de ma sœur. J'ai pris le goût du risque. Sorel Lavrov a apporté une bouffée de bonheur dans ma vie et j'aimerais pouvoir, si jamais elle m'en donne l'occasion, lui renvoyer l'ascenseur.

« Mademoiselle Moore, à quoi pensez-vous de si bon matin ? » demande mon amante d'une voix endormie, un sourire tel celui d'un enfant, étire ses lèvres.

Elle ne dormait donc pas à point fermé ! Je sors brusquement de mes pensées, puis dans un élan de pseudo pudeur, récupère un oreiller pour couvrir ma poitrine. Sorel éclate de rire tandis que moi, je finis par la rejoindre après lui avoir tiré la langue. Sorel se redresse, retire le coussin qu'elle jette très loin et me pose un baiser sur les lèvres.

« Inutile de jouer à la petite timide avec moi. Et, j'aime beaucoup voir ta poitrine dénudée. Tu le sais. »

Je ne peux réprimer un sourire. Sorel en profite pour poser ses mains sur l'objet de cette discussion puis viens m'embrasser tendrement, ses doigts titillent mes tétons. Des frissons me parcourent. Je réponds à son baiser mais retire ses mains de ma poitrine afin de venir sceller nos doigts. Je la connais et je me connais surtout. Je sais exactement où cela va nous emmener.

« Sorel ? » tenté-je en la repoussant doucement.

« Qu'est-ce qu'il y a mademoiselle ? » répond-t-elle en passant ses doigts dans mes cheveux.

Son accent russe, ses yeux encore légèrement endormis, ses cheveux roux en bataille, son sourire de gamine et surtout sa douceur, me font perdre mes moyens.

« Tu ne pars pas au boulot, aujourd'hui ? » demandé-je bêtement.

Elle pousse un profond soupire.

« Non. Et si tu veux en connaître la raison, c'est juste parce que j'ai senti le besoin d'être hors du bureau et loin de beaucoup d'autres choses pendant quelques jours. »

« Je comprends. Alors, tu aimerais quoi comme petit-déjeuner ? Je ne sais pas trop ce que tu aimes alors euh... Je... »

Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ? Je suis capable de me tenir devant une centaine d'étudiants en défendant férocement mes idées sans ciller mais une fois devant cette femme, je perds tout mes moyens.

« Déjà, tu ne te rends pas à la fac aujourd'hui, toi ? »

« Si... Heu... J'ai cours à 11 heures. »

« Très bien. Je t'invite alors à aller manger puis, je te dépose à la faculté et reviens te chercher ou alors mon chauffeur viendra. Ça te va ? »

J'acquiesce. Elle pose un bisou sur mon front et nous allons nous préparer rapidement.
D'ailleurs, madame avait prévu des vêtements de rechange comme tout individu normal qui aurait prévu de passer la nuit hors de sa maison.
Alors que je termine de m'appliquer une légère couche de maquillage, je la vois apparaître dans l'encadrement de la porte de la salle de bain, vêtue d'un polo blanc cassé à manche longue, fourré dans un pantalon beige dont je ne connais pas le nom mais que je trouve magnifique. Il n'a même pas besoin de ceinture, on le resserre juste sur les côtés. J'adore ! Au dessus de son polo, elle a un gilet marron assorti à ses chaussures. La totale dans tout ça, c'est son parfum. Je fonds, une nouvelle fois.

Que vais-je bien pouvoir faire de toi Sorel ?

••••

Nous décidons de faire « simple » et nous rendons au Starbucks Reserve Roastery.
Attablées autour d'un petit déjeuner gourmand, je décide de la questionner. Beaucoup de choses me taraudent l'esprit et j'aimerais bien être située sur elle, sur « nous ».

« Sorel, comment en es-tu arrivée là ? A la tête d'un tel empire ? »

« En travaillant d'arrache-pied. »

« Mais encore ? »

« J'ai d'abord commencé dans l'immobilier. J'ai créé une petite société immobilière en Russie, qui s'occupait aussi d'offrir des services de décoration d'intérieur. C'était d'ailleurs ma mère qui s'occupait de ce volet là. Ça a bien marché et j'ai pu la revendre à un prix excellent et c'est à ce moment-là que j'ai décidé de faire quelque chose de plus grand et que la première entreprise du conglomérat a vu le jour. J'ai bien pris le soin de rester discrète et de choisir les personnes avec qui je montais ce projet. Comme je n'ai pas de frein, j'en ai créé six autres. J'ai déporté le siège ici à Chicago après avoir créé des succursales dans quelques États américains, puis un peu partout dans le monde. Voilà pour vous, mademoiselle. »

« D'accord. Je vois. Mais ce n'est pas fini... »

« Décidément, certaines choses ne changent pas... » réplique-t-elle amusée.

Je souris et inspire profondément avant de me lancer.

« Il y a six ans, quand tu as disparu sans rien dire, tu as quand même réussi à gardé le contact avec mes parents par le biais de ma sœur très certainement mais pourquoi à moi, tu n'as jamais voulu donner de nouvelles ? »

La température chute brusquement. Je regrette soudainement d'avoir posé cette question mais il le fallait. J'ai besoin de réponses.

« Parce que je savais que tu éprouvais des sentiments pour moi. Tu as toujours eu le mérite de savoir ce que tu voulais et je savais que c'était sincère ce que tu ressentais, ta sœur avait même déjà évoqué le sujet... J'étais sous ton charme aussi mais tu avais quoi ? 14 ans et moi 23. Ça aurait été du détournement de mineur et ça allait être toute une histoire avec ta famille. Pis, je ne supportais pas de te savoir tiraillée de tous les côtés. Je suis accidentellement tombée sur ton journal à cette époque là et j'ai su ce que tu aurais dû subir si entre nous deux, il y avait bel et bien eu quelque chose. A cause de moi, tu aurais dû t'attirer les foudres de tes parents qui ne cessaient jamais de dire qu'ils préféraient savoir les enfants des autres homosexuels et pas les leurs sinon ils renieraient... Il y avait aussi ta sœur qui avait le béguin pour moi à ce moment là quand elle se cherchait encore ... Et je ne voulais pas de ça pour toi. Je ne voulais pas qu'à cause de moi, tu souffres. »

ᴍʀs ʟᴀᴠʀᴏᴠOù les histoires vivent. Découvrez maintenant