Justice écorchée

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« Sorel, qu'est-ce qui s'est passé exactement ? » demandé-je d'une voix douce.

Sorel lève les yeux vers moi, ses mains serrées.

« Kalisha a été tuée par un type qu'elle avait rencontré en ligne. Je l'avais avertie, mais elle était tellement têtue, tellement confiante que tout irait bien. »

Sa voix est dure, presque froide, mais je peux sentir la douleur derrière cette façade.

« Elle l'a rencontré sur un site de rencontre. Je lui ai dit de se méfier, mais elle m'a ignorée. Ils ont commencé à échanger des messages, des photos... J'ai découvert qu'il lui demandait des choses inappropriées. On s'est disputées à cause de ça, mais on s'est réconciliées ensuite. »

Sorel prit une profonde inspiration, comme pour se calmer.

« Puis, ce soir-là, elle devait sortir avec moi comme je l'ai dit, mais comme j'ai annulé, elle est allée le retrouver à l'hôtel, seule, sans protection, et... elle n'est plus jamais revenue. »

J'écoute, le cœur serré, chaque mot pénétrant comme un coup de poing.

« Oh mon Dieu, Sorel... » murmuré-je, les larmes me montant aux yeux.

Je veux m'approcher, la prendre à nouveau dans mes bras, mais Sorel semble plus éloignée que jamais.

« Quand je suis arrivée, c'était déjà trop tard. Elle... elle était étendue là, dans une marre de sang. Le coup fatal était à la tête, mais il y avait des signes de lutte. C'était comme si elle avait essayé de se défendre, mais elle n'a pas réussi. » Sorel ferme les yeux, retenant ses larmes. « Il l'a tuée, Lindsay. Je n'ai pas pu la protéger. »

Je suis bouleversée. Sorel a toujours été la personne forte, imperturbable, celle qui prend soin des autres. Découvrir cette douleur enfouie, cette perte profonde, est déstabilisant.

Sorel n'est pas seulement froide, elle est brisée, détruite par la culpabilité et le chagrin. Je veux la réconforter, lui dire que ce n'est pas de sa faute, mais les mots ne viennent pas.

« Et le type ? » questionné-je, la voix tremblante.

« Il a été arrêté grâce aux caméras de surveillance et aux preuves qu'on a retrouvées. Il a agi par jalousie, par possessivité, ou peut-être juste par rage. Peu importe la raison, il a pris ma sœur. » Sorel me regarde avec des yeux remplis de tristesse.

« Et il a été jugé ? »

« Oui. Mais juste après son jugement, alors qu'on le conduisait à la prison, il s'est évadé. »

Sorel serre ma main qu'elle avait prise un peu plus tôt, comme si elle rassemblait son courage pour dire ce qu'elle n'a jamais osé partager avec personne.

« La police semblait lente à le retrouver, comme s'ils n'étaient pas vraiment intéressés. J'avais perdu ma sœur, et je ne pouvais pas laisser cela impuni. »

Je sens un frisson me parcourir. La détermination froide dans la voix de Sorel est terrifiante.

« Qu'est-ce que tu as fait ? » demandé-je, hésitante.

« J'ai pris les choses en main, » répond Sorel, son regard glacé. « J'ai traqué cet homme. J'ai utilisé mes ressources, mes contacts. Il pensait pouvoir échapper à la justice, mais il ne pouvait pas m'échapper. » Elle prend une profonde respiration, comme pour se calmer. « Je l'ai trouvé et je me suis assurée qu'il ne pourrait plus jamais faire de mal à quiconque. »

J'ai soudainement du mal à respirer. L'idée que Sorel ait pris la justice en main était à la fois terrifiante et compréhensible.

« Tu... tu l'as tué ? » demandé-je, la voix tremblante.

Sorel ne répond pas immédiatement, son silence est plus éloquent que des mots. Finalement, elle hoche légèrement la tête.

« Je n'ai pas eu le choix. La justice ne l'aurait jamais rattrapé. J'ai fait ce que je devais faire pour ma sœur. »

Ses yeux sont glacés, mais elle a aussi une profonde tristesse.

Je ne sais pas quoi penser. D'une part, je comprends la douleur de Sorel, sa colère face à la perte de sa sœur. D'autre part, l'idée que celle que j'aime ait commis un acte irréparable m'ébranle profondément.

« Sorel, tu... tu as tué quelqu'un... »

J'ai du mal à concilier l'image de Sorel, douce et attentionnée, avec celle d'une femme capable de prendre une vie.

« Il avait pris la vie de ma sœur, » me répond Sorel, sa voix dure. « Je n'avais plus rien à perdre. Je devais m'assurer qu'il ne ferait plus jamais de mal à personne. Mais tu ne devrais pas avoir à porter ce fardeau, Lindsay. C'est ma croix à porter, pas la tienne. » Elle lâche ma main et se lève, ses mouvements pleins de détermination. « Tu devrais partir. Ce n'est pas juste que tu sois mêlée à tout cela. »

Je secoue la tête, refusant de partir.

« Non, Sorel. Je t'aime, et je ne te laisserai pas seule avec tout cela. Peu importe ce que tu as fait, je suis là pour toi. »

Sorel me regarde, le visage sombre.

« Tu ne comprends pas, Lindsay. Ce n'est pas juste. Tu ne mérites pas de porter le poids de toutes les mauvaises choses que j'ai faite. »

« Je refuse de partir, » insisté-je, la voix ferme. « Nous avons passé un bon moment aujourd'hui. Nous avons fait l'amour, nous avons partagé des moments intimes. Tu m'as dit que tu m'aimais. C'était bien et ce, même si Sharon est venue tout gâcher... Je suis là pour toi, quoi qu'il arrive. »

Sorel semble hésiter, puis elle appelle Alexei qui se précipite rapidement dans la pièce.

« Raccompagne Lindsay chez elle, » dit-elle, sa voix basse mais autoritaire. « Demande aussi à Tony de rester à proximité au cas où Edward reviendrait. »

Je sens les larmes me monter aux yeux.

« Je ne suis pas une gamine, tu ne peux pas m'envoyer au coin quand tu en as envie. »

« Non mais je suis chez moi. Par conséquent, j'ai le droit de décider de qui reste et qui part. Et là tout de suite, je veux que tu partes. »

« Purée, Sorel ! Ça aurait normalement dû nous rapprocher. Pas nous éloigner. »

« C'est pour ton bien, Lindsay. »

Elle fait un geste à Alexei, indiquant qu'il doit m'emmener.

Je sens mon cœur se briser, mais je sais que Sorel agit par peur et par culpabilité. Je me laisse donc guider vers la porte, le cœur lourd, mais résolue à revenir. Je ne peux pas abandonner Sorel, peu importe ce qu'elle a pu faire avant.

ᴍʀs ʟᴀᴠʀᴏᴠOù les histoires vivent. Découvrez maintenant