Mamie Adele

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Es mala amante la fama, no va a quererte de verdad
Es demasia'o traicionera, y como ella viene, se te va
Sabe' que será celosa, yo nunca le confiaré
Si quiere' duerme con ella, pero nunca la vayas a casar...

LA FAMA de Rosalía et The Weeknd résonne dans ma voiture. Comme souvent le samedi après-midi, je vais rendre visite à ma grand-mère, Adele Moore. Âgée de 77 ans, elle aime me recevoir chez elle et m'offrir le goûter comme si j'étais encore un bébé. Je peux d'ailleurs me vanter d'être sa préférée dans cette famille de fous. Je l'adore.

Au-delà du fait, que j'aime beaucoup passer du temps avec elle, l'on peut aussi considérer cela comme un échange de bons procédés : je lui tiens compagnie dans sa grande maison pendant qu'elle me change les idées. Elle peut critiquer mon père pendant que je me gave de ses brownies, les meilleurs que je connaisse.

De sa douce voix, elle me parle de son mignon infirmier, de la nouvelle télé-réalité qu'elle suit, du chat qui vient toujours gratter à sa porte - et avec qui elle a presque réussi à nouer un lien fort. J'en profite pour lui raconter mes problèmes avec mes parents ainsi que mes problèmes de cœur - tout en prenant le soin de ne pas mentionner Mrs Lavrov - et de mes nombreuses hésitations. Elle me prend en pitié lorsqu'il s'agit de mon problème avec monsieur et madame Moore. Cependant, pour ce qui est du deuxième problème, elle se moque de moi et me répète sans cesse que je devrais apprendre à moins me prendre la tête et profiter des belles choses qui m'arrivent.

Malgré son visage fatigué et son passé aussi rempli que mon vieux journal intime, ma grand-mère est encore une bonne vivante, qui aime manger, boire du bon vin, cuisiner, rire et danser, qui parle de sexe avec tellement de précision que vous finissez par rougir, qui aime les télé-réalités, qui se pomponne tous les jours et qui change la couleur de son vernis chaque 48 heures - au cas où un jeune livreur voudrait lui tenir compagnie pour une durée indéterminée. Je l'aime tellement.
Elle est drôle, bagarreuse mais si douce à l'intérieur. Une ancienne journaliste cultivée, éloquente et en l'occurrence, jamais ennuyeuse. Une dame élancée, à la chevelure poivre et sel.

« Mamie ? » dis-je en entrant dans la maison. «  J'ai sonné plusieurs fois, sans réponse alors je me suis permise d'entrer ! » crié-je une fois la porte refermée.

« Bonsoir ma chouquette en chocolat. » m'accueille-t-elle après avoir retirer les écouteurs de ses oreilles.

« Mamie ? Qu'est-ce qu'on avait dit au sujet des écouteurs dans les oreilles et du volume à fond ? »

« Désolée, désolée. Je n'ai pas pu m'en empêcher, c'était quand même Hold My Hand de Lady Gaga. » dit-elle en levant les mains en signe d'excuse. « Oublions tout ça et viens t'asseoir ! Les brownies sont presque prêts. Je sais que tu les adores lorsqu'ils sortent fraîchement du four. Je t'ai aussi concocté une bonne limonade. Je vais chercher tout ça. »

« Laisse, je vais le faire ! »

« J'ai beau être vieille, je ne suis pas encore impotente, ma petite Lindsay. » me gronde-t-elle avec son sourire plein de malice.

Je secoue la tête, amusée et la regarde partir en direction de la cuisine, avec sa combinaison fleurie, et je lui mets les deux mains sur les épaules pour la suivre. Elle déteste ça et moi, j'aime la provoquer.

Une fois la limonade et les gâteaux servis, ma grand-mère ne se fait pas prier pour me raconter les dernières choses qui se sont passées dans sa vie. Puis, elle me demande à moi, tout ce qu'il y a eu de mon côté.

« Dis-moi, mamie. Est-ce que tu te souviens de Sorel ? » demandé-je en retour.

« Comment pourrais-je l'oublier ? Une charmante jeune femme, très intelligente, très polie, gentlewoman et sexy. Elle m'aidait toujours à ramener mes courses jusqu'à la maison sans faire tomber quoi que ce soit. Elle a bien réussi sa vie maintenant. Et, j'adorais sa petite sœur. Jolie comme un cœur et très douce ; une vraie princesse. » étale la vieille dame juste en fasse de moi « Pourquoi cette question ma petite ? »

« Pour rien... Enfin si... Elle est de retour aux États-Unis. » dis-je aussitôt en baissant la tête, gênée.

« Juste ça ? Ou il y a autre chose ? » se moque gentiment ma grand-mère.

« Pour être tout à fait honnête avec toi mamie, nous sommes ensemble maintenant. »

« Alléluia ! Depuis le temps que vous ressentiez des choses l'une pour l'autre... »

« Parce que tu le savais toi que Sorel éprouvait des sentiments pour moi ? »

Elle hausse les épaules et je roule les yeux. Décidément, tout le monde était au courant de ce que Sorel ressentait pour moi. Tous sauf moi, bien évidemment.

« Je me demande encore si c'est une bonne idée. Il y a Edward, Sharon et mes parents, et... »

Mamie Adele me frappe le dos de la main, comme pour m'inciter à arrêter de débiter des conneries. Elle prend ensuite une gorgée de limonade avant d'ancrer son regard au mien.

« Suis pour une fois, ton cœur. Arrête de réfléchir autant. Prends le temps de vivre, ma chérie. » commence-t-elle. « Tu vis trop pour les autres et à force, tu n'existes plus du tout. Qu'ils rient ou qu'ils s'enragent à cause de votre relation ; on s'en fout. Ce qui compte maintenant, c'est toi, Sorel et l'amour que vous vous portez. » termine ma grand-mère avant de me faire un clin d'œil.

Je souris à mon tour puis prend un brownie que je m'empresse d'engloutir, sous les yeux amusés de mon date du jour.

« J'imagine que vous avez déjà baisé ? » dit brusquement la vieille femme.

Je ne peux m'empêcher de regarder ailleurs avec un sourire.

« Mamie, ton langage ! »

« Vous avez baisé plusieurs fois donc ! »

« Mais quoi ? Elle est belle, très charismatique. Et c'est ce dont j'ai toujours rêvé. »

« Comme je t'envie. J'aurais bien voulu moi m'envoyer en l'air avec peut-être l'un des nombreux livreurs qui viennent sonner à ma porte. »

J'éclate de rire. Au même moment, la sonnerie de mon téléphone se fait entendre. La frange de ma camarade de classe, Axelle apparaît en gros plan sur mon écran  et me coupe net dans mon élan moqueur.

« Allô ? » décroché-je en m'essuyant la bouche.

« Lyndsay Calliope Moore, dis-moi que tu t'apprêtes à cliquer sur 'Envoyer'.» me lance t'elle, apparemment heureuse d'entendre ma voix.

« Envoyer quoi ? »

« Le mail qui contient notre travail de groupe, à Mr Watkins. »

« Presque pas... » réponds-je d'une petite voix. « Je suis actuellement en train de le relire ! » mens-je.

« Hum. »

« Je le lui envoie dans une dizaine de minutes. Promis ! »

« On fait comme ça. » fait-elle, méfiante. « J'ai des choses urgentes à régler à présent, on se parle plus tard, Lindsay. »

Je soupire bruyamment une fois qu'elle raccroche puis, je m'empresse d'aller chercher mon ordinateur dans ma voiture afin de pouvoir envoyé ce fameux mail avant qu'Axelle ne vienne me tuer.

Le devoir envoyé, mes pensées se tournent vers Sorel. Nous ne nous sommes pas vues cette semaine et à peine si nous nous sommes parlées au téléphone. Elle est carrément overbookée. Sa vie me stresse rien que d'y penser.

ᴍʀs ʟᴀᴠʀᴏᴠOù les histoires vivent. Découvrez maintenant