Chapitre 7: Un an

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Mais au-delà de sa tristesse ce que j'ai aussi entendu ce sont des menaces, Léto ne se donne même pas la peine de les dissimuler, elles sont claires et nettes. Je comprends alors que je suis à sa merci, cette femme devant moi, fluette et gracile, a tous les pouvoirs et je ne peux rien face à elle.

Mais est-ce que cela est une mauvaise chose ? Je ne peux que percevoir la souffrance de Léto dans son discours, son quotidien depuis la naissance n'est que peurs et menaces dans lequel elle n'a aucune liberté. Elle souffre tant qu'elle en est arrivée à devoir ramener un mort à la vie pour espérer s'en sortir en lui faisant du chantage. Mais maintenant et grâce à son plan, je pourrais lui offrir un peu de pouvoir, au moins une fois lors de son existence.

Mais suis-je prêt à échanger nos vies ? Que ce soit maintenant à moi de vivre pour toujours dans un quotidien rempli de peur et de menaces dans lequel je n'aurai aucune liberté et cela jusqu'à ma mort ?

Cette dernière ne serait-elle pas préférable ?

Je n'ai plus personne, je ne suis plus personne. Je n'ai aucun espoir, revenir sur mes pas n'offrirait que déception à ceux que j'aime et aller de l'avant ne sera qu'une marche dans des souliers de fer brûlants. Le seul espoir que peut offrir un tel chemin et de mener vers une falaise et de terminer avec une chute libre.

Je ne me sens pas capable de vivre aussi longtemps que mon jeune âge me le permet. Il me reste des années devant moi et elles ne sont que montagnes infranchissables n'amenant que peine et fatigue, je préfère donc rester à leurs pieds. Pourquoi s'infliger tout cela pour connaître la même fin ?

Mais avant de partir je peux faire un cadeau à Léto. Comme un compromis entre sa vie et la mienne. Je souffre quelque temps pendant qu'elle se repose. Puis je me reposerai pour l'éternité.

— Une année.

— Pardon ?

Léto me fixe en secouant la tête de gauche à droite comme si je n'étais qu'un idiot qui n'avait rien compris à tout son discours. Je vais donc devoir être plus clair.

— Dès que la terre aura terminé son tour autour du soleil je ne mentirai plus pour toi. Tu n'auras qu'une année de répit, pas plus.

— Pourquoi ? Tu n'as pas le choix, c'est ça ou, ou, ou... Je ne sais pas ce que l'on fera de toi si on te retrouve mais la dernière fois tu as terminé brûlé dans une fosse commune.

— C'est justement ce que je souhaite.

— Bien sûr que non.

Vient-elle de décider à ma place ? Et puis quoi encore, cette Léto si directive commence à vraiment m'agacer. Elle ne se rend pas compte du sacrifice que je suis prêt à faire pour une inconnue si impertinente.

— Bien sûr que si.

— Je comprends que ta vie n'est pas... Pas super en ce moment, oui disons-le. Mais tu veux déjà abandonner ? On s'est donné toute cette peine pour te sauver pour que tu viennes ensuite nous dire que tu veux mourir ? Tu n'as même pas essayé de vivre.

Et maintenant elle sait mieux que moi ce que je suis en train de subir. J'essaye de garder mon calme mais mon ton reste sec quand je lui réponds.

— Si tu m'as sauvé c'est juste pour ton petit intérêt, c'est tout. Si je le pouvais, je partirais maintenant, donc c'est un an ou rien. Maintenant tu dois me répondre, acceptes-tu mon offre oui ou non ?

Le regard de Léto vient transpercer le mien et son visage s'assombrit de colère. Je sais que je l'ai mise face à son mensonge, elle pense être une grande dame à m'avoir sauvé la vie, mais la seule qu'elle souhaite préserver c'est la sienne.

— Alors ? Oui ou non ?

— Tu penses m'offrir la liberté mais crois-tu vraiment que je pourrais me sentir libre si elle a une date limite ? Je ne serais que prisonnière du temps qu'il me reste.

— Dans ce cas, pour la trouver il va falloir que tu te suffises à toi-même. Si tu comptes sur un autre pour t'offrir le bonheur auquel tu aspires, il restera alors qu'entre les mains de cette personne et tu seras pour toujours sa captive.

— Tu sais très bien que les femmes ne peuvent jamais se suffire à elle-même.

— Alors vois cette année comme une pause, une respiration en dehors de ta prison. Mais tu dois aussi respecter mes choix. Ta volonté ne vaut pas plus que la mienne.

Leto fronce les sourcils, le regard vers le sol avant de me donner sa réponse qui prend son temps avant d'arriver.

— Bon d'accord. Mais sache que tu es terriblement égoïste.

Elle a raison, je le suis mais elle l'est tout autant. Et je ne la blâmerais pas pour cela, avant de penser aux autres nous devons penser à nous-même, nous sommes les seuls garants de notre bonheur, ne passons pas à côté à force de vouloir provoquer celui des autres. Je lui offre un an, c'est tout ce que je peux lui donner, je ne pourrais pas supporter plus longtemps.

Léto me regarde droit dans les yeux en hochant la tête de bas en haut de façon solennelle pour sceller notre accord. Voilà, promesse est faite, nous vivrons ensemble un an puis je mourrais. La dernière action que je ferai dans la vie sera celle d'être le mari de cette femme agaçante qui est déjà en train de bouder, les bras croisés, assise sur une chaise, vexée que je ne cède pas à son caprice et que je ne sois pas son petit jouet pour toujours.

Par chance, Rhéa est une femme plus mature et raisonnable, elle ne se formalise pas de mon offre et me prend alors la main et la secoue.

— Merci Monsieur Kha, votre aide nous sera précieuse.

— Ne le remercie pas maman, un an ce n'est rien du tout, ce n'était pas notre plan, il arrive à tout gâcher.

— N'écoutez pas ma fille monsieur, elle en veut toujours plus, ses rêves sont sans cesse trop grands. Rendez-vous compte, c'est une femme et pourtant elle n'aspire qu'à être indépendante et avoir sa petite vie sans père ni mari. Je lui ai déjà expliqué plusieurs fois que ce n'était pas possible mais elle est si têtue, si vous saviez.

Oh Rhéa ne vous en faites pas, je l'ai déjà compris.

— Gri-gri en est une mais la seule tête de mule ici, c'est votre fille chère madame. Dis-je le regard en direction de madame la boudeuse.

— Gri-gri n'est pas une mule, c'est une ânesse cher monsieur je me pense plus malin que tout le monde. Réponds Léto en utilisant le ton le plus hautain qu'elle a à sa disposition.

— Léto, voyons.

Rhéa crie sur son impertinente de fille mais cela n'a aucun effet, elle continue à me fixer avec son petit sourire en coin.

Cela ne fait que quelques secondes et je regrette déjà d'avoir accepté. Mais bon, être agaçante n'est pas une raison valable pour la punir en la privant de liberté. Aussi enquiquinante soit-elle, elle ne mérite pas ça. Et puis une année à ces côtés me donnera une raison supplémentaire d'avoir envie de mourir, au cas où j'aurai des doutes.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant