Chapitre 11: Les fleurs

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— Kha, réveille-toi. Tu m'entends ? Hey oh. Tu as assez dormi au travail maintenant.

Non Léto je n'ai pas assez dormi car, pour une raison que j'ignore, j'ai passé la nuit à te regarder, mais ça, je ne peux pas te l'avouer. Avais-je peur que tu ne me tues dans mon sommeil ? Devant mon manque de réaction, Léto me lance des petits objets, jusqu'à ce que je réagisse enfin. J'ai déjà connu réveil plus doux et agréable mais je commence à être habitué avec la femme qui partage maintenant ma vie. Je pense devoir oublier les câlins, les mots doux et les petits-déjeuners au lit pour commencer la journée et plutôt m'habituer à recevoir des coussins en pleine tête pour me sortir du sommeil.

— Pourquoi tant de violence de si bonne heure ? Marmonnais-je alors avec peine.

— De la violence ? Je te réveille juste, mais c'était impossible, j'ai donc dû utiliser ce que j'avais sous la main. Dors moins profondément la prochaine fois et tu ne devrais pas recevoir de projectiles. Allez, lève-toi maintenant, nous sommes des « fleuristes » ponctuels, je ne veux pas faire attendre notre cliente.

— Mais pourquoi si tôt ? Et qu'allons-nous faire ? Dis-je en m'asseyant sur le lit, la tête qui tourne.

Alors qu'elle me répond Léto s'active de gauche à droite si bien que je suis épuisé rien qu'à la regarder.

— Nous devons éviter qu'il y ait trop de monde pour notre cueillette mais également pour que nous rencontrions notre cliente avant que tout le village soit levé afin que personne ne puisse nous voir.

— Tu te rends compte que tout cela sonne louche ?

Soudain Léto s'arrête dans ses préparatifs et regarde sur le côté la tête penchée pour réfléchir avant de me répondre entre deux rires.

— Ah oui c'est vrai.

— Et cela t'amuse ?

— Oui car je pensais que tu étais déjà au courant que j'étais louche et je suis contente de toujours te surprendre.

Je rêve où ce sont des aveux ? Il est difficile de déchiffrer les paroles de Léto tant elle est légère et souriante. Mais je dois me faire une raison, tout le monde la traite de tueuse en série, je la soupçonne et elle vient me répondre que j'ai raison d'avoir des doutes, ce sont des aveux. Puis elle-même sait qu'elle doit se cacher maintenant à moi de découvrir de qui et pourquoi.

Je me prépare donc comme me l'a ordonné Léto et me dirige vers une journée pleine de mystère pour moi. Qu'allons-nous faire ? Vais-je devoir l'arrêter et la tuer pour protéger une personne aujourd'hui ? Si jamais elle meurt dans quelques heures aurai-je encore une raison de rester en vie ? Car après tout si je suis en vie c'est seulement pour respecter mon engagement ou bien enquêter sur elle. Si mon investigation se termine maintenant, aujourd'hui, cela signifie-t-il que ma vie aussi ?

C'est étrange de se dire que ce réveil est peut-être le dernier, d'autant plus qu'il a été nul. J'ai toujours pensé que je mourrais sur le champ de bataille et que mes derniers instants seraient héroïques. Pas que je les passerais en compagnie d'une femme étrange qui me réveille en lançant sur moi d'étranges objets qui lui passe sous la main, qui s'exprime qu'en étranges énigmes et qui se comporte d'une étrange manière qui me pousse à me demander si je devrais la tuer. Comment mourir ? Je ne sais même pas comment faire mais ce qui est sûr c'est que cette mort sera étrange pour la personne que je suis, et puis de cette façon nous resterons dans le thème.

Il fait encore nuit lorsque nous sortons seulement aidés par la lumière de deux petites torches qui n'éclairent qu'à moins de deux mètres de nous, ce qui m'inquiète d'autant plus que nous nous approchons de la forêt. Je suis courageux bien sûr, mais je n'aime pas vraiment les forêts de nuits, non, ce n'est pas par manque de bravoure c'est juste que tout le monde sait que les brigands y traînent avant que le soleil se lève. La preuve c'est là que nous allons.

Léto me montre des tonnes de plantes, de fleurs, de fruits, de nectar et de pétales. C'est un cours magistral bien trop matinal pour moi, je commence tout juste à me réveiller lorsque nous abordons le sujet des plantes spécifiques à chaque utilisation.

— Donc tu vois celle-ci permet de soigner les démangeaisons, celle-là est bonne contre les maux de gorge lorsqu'on la mélange avec du lait de chèvre et là tu la connais très bien car elle t'a sauvé la vie. C'est la vieille Zabelle qui m'a appris son utilisation. Autant te dire que vu ton gabarit on a presque vidé le coin. J'espère que l'on ne retombera pas sur un grand brûlé avant que tout n'ait le temps de repousser.

Je vois alors un énorme vide dans cette forêt si garnie et je culpabilise un peu. On a utilisé toutes ces petites fleurs pour moi ? Et si quelqu'un d'autre en avait besoin ? Est-ce que je les mérite alors que je souhaite mourir ?

Non je dois me souvenir que si Léto a fait ça, c'est pour elle et non pour moi, elle voulait juste s'échapper d'un père terrifiant. Voilà j'ai donc le droit de faire ce que je veux, Léto m'a sauvé sans mon consentement ces petites fleurs ont donc disparues à cause d'elle et non de moi, je suis donc libre de faire ce que je veux de ma vie, ou plutôt de ma mort.

— Ah la voilà, tu vois cette petite feuille aux bords côtelés ? Elle permet de faire baisser la fièvre, on peut en prendre car elle est toujours utile.

Léto met alors quelques feuilles dans son sac puis nous partons en direction du village avant qu'elle ne s'arrête d'un coup, si vite que j'en suis moi-même surpris.

— Oh Kha regarde c'est rare d'en trouver et elles sont extrêmement importantes donc écoute bien.

— Oui, oui.

— Non tu n'es pas assez attentif. Tu vois cette toute petite fleur violette.

— Oui et ?

— Une toute petite quantité permet de tuer, il suffit de la mettre sous la langue puis il ne nous reste plus qu'un souffle. Elle est rapide, efficace et presque indolore.

— Presque ?

— Aucune mort n'est sans souffrance. Même si elle ne l'est pas pour la personne qui l'ingurgite elle l'est toujours pour ceux qui l'entourent.

Je ne comprends pas où Léto veut en venir. On la traite d'empoisonneuse et elle me prouve qu'elle sait tuer un être humain. Est-ce une menace ? Ou bien me dit-elle cela pour moi ? Pour quand j'aurai décidé de mourir que je sache comment faire et le mal que cela provoque ? Elle continue à être si déconcertante.

— Comment sais-tu cela ? Tu l'as déjà testée ?

— Oh regarde le soleil est en train de se lever nous sommes déjà en retard, dépêche toi Kha. Mets ta cape et allons au point de rendez-vous. Allez hop hop hop.

« Hop hop, hop » mais qui parle comme ça ? Bref, je fais ce qu'elle me dit, comme d'habitude. Comment fait-elle pour être si autoritaire sous ses airs de douceurs ?

Je la suis et elle arrive à être plus rapide que moi, je suis plus grand pourtant comment fait-elle ? Il faut que j'arrête de me fier aux apparences et de me poser des questions Léto est comme elle est et puis c'est tout, ça ira plus vite et cela arrêtera de m'encombrer l'esprit afin de mieux enquêter.

Nous nous retrouvons alors face à une femme toute frêle qui elle aussi se cache de peur d'être vu par d'autre.

— Merci d'être venu Léto et...

— Kha, mon mari, il m'assiste maintenant vous pouvez lui faire confiance.

— Bonjour Monsieur. Pouvons-nous nous dépêcher s'il vous plaît ? Je...

— Oui je comprends partez devant et nous vous suivons de loin. Nous nous retrouvons chez vous.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant