Chapitre 41: merci

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La nuit est tombée, et les étoiles commencent à scintiller dans le ciel, comme de petits diamants éparpillés dans l'obscurité. Les longs cheveux sombres de Léto s'étalent autour de son visage comme une auréole, comme si elle m'avait déjà quitté et rejoint les cieux. Je suis à ses côtés, le cœur serré, mon esprit tourmenté par la pensée de ce qui va se passer.

Je retrouve une dernière fois ce regard dans lequel j'aimais tant me perdre, celui du premier jour, curieux brillant, vivant, espiègle, celui qui sait apaiser mes tourments. Mais au bout de quelques minutes à peine, il disparaît et je revois celui qu'elle a depuis qu'elle est malade: fatigué, vide, inquiétant.

—    Kaël, murmure-t-elle, sa voix à peine plus forte qu'une légère brise mais d'un ton affirmé. Je suis prête.

Ces mots me transpercent l'âme. Elle est prête mais je ne le suis pas et ne le serai jamais. Mais j'ai conscience que c'est ce qu'elle veut, et c'est tout ce qui compte. C'est sa vie et je ne peux pas lui imposer mes envies. Qui serais-je pour la faire souffrir car je manque de courage ? Je dois donc être fort pour elle, c'est ce qu'elle mérite pour ces derniers instants sur terre, même si chaque fibre de mon corps hurle de douleur à l'idée de la perdre. Mes mains tremblent légèrement alors que je sors la petite fiole de poison que j'avais gardé auprès de moi depuis que Mimone me l'a confiée, pour l'utiliser quand Léto me le demanderait. Alors que j'allais enlever le bouchon, je sens la main de Léto encercler mon poignet.

—    Tu n'es pas obligé... Tu n'es pas obligé de m'aider à mourir. J'ai déjà été à ta place et je sais combien c'est difficile. Donc si tu souhaites partir maintenant, tu le peux. Mimone a déjà aidé d'autres personnes comme moi dans le passé, elle saura comment faire.

—    Ne t'inquiète pas, tout ira bien. Pour toi je peux tout faire.

Je sens ses frêles petites mains me serrer encore plus fort, elle y met toutes ses dernières forces.

—    Je veux être sûre que tu as bien conscience de ce que cela implique. Si tu restes à mes côtés au moment où je vais mourir, tu deviendras un criminel, ta liberté sera en danger, peux-tu vivre avec cela ?

—    Je n'aurai pas honte de t'aider à boire ce poison, car cela ne regarde que toi et moi, dis-je, la voix étranglée par l'émotion. Ta vie t'appartient, c'est ce que tu souhaites et je l'accepte. Peu importe ce que l'on dira de moi, je n'aurai jamais honte d'avoir fait cela pour toi, car même si c'est illégal, je sais que c'est ce qui a de plus juste. Ce que pense les autres est insignifiant car dans mon cœur, il n'y a que toi.

—    Que moi ? Tu n'es pas obligé. Je ne serai plus là mais ta princesse n'aura pas disparue elle, tu peux le retrouver.

Ma princesse. Je sais qu'elle parle de Diane. Il n'y a aucune jalousie dans sa voix, la conversation est calme mais je reste mal à l'aise de parler d'une autre femme devant elle.

—    Diane est mon passé, ne t'en fait pas, elle ne te remplacera jamais.

—    Je sais que tu ne l'as jamais oublié, dit-elle dans un soupir.

Je me sens mal car cela est vrai et je m'en veux. Léto est dans mon cœur mais Diane ne l'a pas quitté pour autant. Elle est juste dans une autre partie, comme dans un autre monde, celui de mon passé. J'aimerais m'excuser mais je n'ai pas le temps avant d'être interrompu.

—    Et cela me rassure. Dans quelques minutes je ferais moi aussi parti de ton passé et je suis heureuse de savoir que cela ne signifie pas que tu m'oublieras, que cela ne signifie pas que je quitterais ton cœur. Je suis apaisée de savoir que tu es capable d'aimer deux femmes.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant