Chapitre 40: La lueur des étoiles

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Léto est allongée sur une couverture de laine, ses cheveux sombres forment alors comme une rivière de soie autour de son visage pâle. Ses yeux, autrefois éclatants et pleins de vie, ont perdu de leur éclat, mais conserve encore une faible lueur de vie. Enfin du moins, pour le moment. Je m'installe à ses côtés, incapable de détacher mon regard du sien, conscient que c'est la dernière fois qu'elle me regarde.

Elle a déjà dit adieu à ses proches. Ils sont tous venus, un à un, pour verser des larmes, rire et partager des souvenirs précieux. Maintenant, il ne reste plus que nous deux, seuls dans ce coin de paradis qui nous a été offert pour ses derniers instants par la nature et notre vieille amie. Mimone m'a déjà confié la fameuse petite fiole de poison, celle qui me terrifie tant, murmurant que c'était la solution pour abréger ses souffrances dans la plus grande des douceurs. Mais je ne suis pas encore prêt. Comment pourrais-je laisser partir celle qui m'a sauvée, celle qui m'a donné une raison de continuer de vivre malgré mes blessures et mes cicatrices, celle qui a vu l'homme derrière le monstre que je suis ?

Léto, elle cependant, semble en paix. Elle m'a déjà parlé maintes et mainte fois de son souhait de mourir avant que la maladie ne la consume entièrement, avant de subir les mêmes souffrances atroces que celle qu'a connu son premier mari. Elle sait que je ne suis pas prêt, pas prêt à continuer mon chemin sans elle a mes côtés, sans sa main dans la mienne. Et c'est pour cela qu'elle a décidé de passer ses derniers moments à me préparer à une vie sans elle. Je m'en veux pour cela, nous devrions nous concentrer sur elle, uniquement sur elle mais nous perdons notre temps avec moi. C'est elle qui va mourir, mais c'est moi qu'elle doit consoler.

— Kaël, murmure-t-elle mon vrai prénom, sa voix à peine plus forte qu'un souffle. Regarde comme le monde est beau ce soir.

Je serre sa main dans la mienne, la gorge plus serrée encore pour tenter de retenir les larmes qui souhaite fuir mon cœur pour couler sur mes joues et rendre ma vision floue.

— Oui, Léto. Le monde est beau, car tu es là. Mais sans toi, il n'aura plus aucun éclat. Donc s'il te plaît, ne le quitte pas car sans toi le bonheur disparaîtra à son tour. J'ai besoin de toi.

Elle sourit faiblement, ses yeux cherchant les miens avec une intensité qui me transperce l'âme.

— Je ne sais pas si c'est la mort imminente qui me rend plus sage mais écoute moi bien, dit-elle d'un faible sourire. Tu seras heureux quand tu cesseras de chercher le bonheur. Que ce soit dans dans la conquête sans fin de nouveaux royaumes ou de l'amour. Donc tu pourras y arriver, sans moi, sans ton empire, sans ton palais. Car tu n'as besoin de rien pour l'être.

Je secoue la tête, incapable de comprendre comment elle pouvait dire une chose pareille. Je sais qu'elle m'a demandé de l'écouter, mais j'en suis incapable.

— Impossible, j'ai besoin de toi.

Léto soupire doucement et caresse ma main.

— Kaël, tu dois accepter que tu seras le seul compagnon que tu garderas à vie. Tu peux le détester ou l'aimer, toi seul peux faire ce choix. Être un homme que tu respecte ou un monstre qui te débecte. Mais un seul t'apportera la paix.

Je laisse échapper un sanglot, sentant mon cœur se briser à l'idée de vivre sans elle.

— Comment pourrais-je trouver la paix sans toi, Léto? Ma propre existence est mauvaise, tu es tout ce qui me reste de bon en moi.

Elle sourit de nouveau, cette fois avec une douceur empreinte de tristesse.

— Parce que tu es plus fort que tu ne le crois. Tu as survécu à tant de choses, Kaël. Tu as traversé le feu et la douleur, et tu t'es relevé à chaque fois. Tu le feras encore, même sans moi. Essaye de te voir à travers mon regard, rien qu'une fois, s'il te plaît.

Je ferme les yeux, essayant de graver chaque parcelle de son corps, chaque sourire, chaque regard dans ma mémoire.

— Léto... je t'aime tellement. Je ne sais pas comment je vais faire sans toi.

Elle serre ma main plus fort, ses yeux se remplissent de larmes.

— Tu continueras à vivre, Kaël. Tu trouveras une nouvelle raison de sourire, même si cela prend du temps. Et tu sauras que je serai toujours là. 

Les mots me manquent, alors je me penche pour embrasser ses lèvres, savourant la douceur de ce moment éphémère.

— Je t'aimerai toujours.

Elle ferme les yeux, une expression de paix se répandant sur son visage.

— Je t'aime aussi, Kaël. Plus que tout au monde.

Les voilà, ces larmes que je tentais de retenir ont été plus fortes que moi et je tente de les cacher en les essuyant du dos de la main et avec un sourir.

— Depuis quand êtes-vous aussi sérieuse dame Léto ? Où est passé l'impétueuse, la bornée et l'agaçante Léto.

J'arrive à la faire rire, même si le son de ce dernier n'est plus celui sur j'avais l'habitude d'entendre. Il n'est plus aussi puissant, plus aussi enjoué, il est devenu plus léger, presque imperceptible. Je ne me souviens plus la dernière fois que j'ai pu l'entendre rire si fort que cela aurait alerté tous les voisins. Ce jour là, si j'avais su que c'était le dernier, j'y aurai fait plus attention, j'aurai cherché à l'enregistrer pour toujours dans ma mémoire. Car je sais que maintenant, ce doux son ne parviendrait plus jamais à mes oreilles.

— Cette Léto est juste un peu fatiguée pour le moment, mais ne t'inquiète pas, elle viendra te hanter quand elle aura repris des forces.

Je reste à ses côtés, son corps devenu si frêle dans mes bras, sentant son souffle devenir de plus en plus faible. La nuit tombe et enveloppe le monde dans une étreinte silencieuse. Et dans cette obscurité, je sais que la lumière de Léto continue encore de briller encore un peu et je fais tout pour en profite, au cas où cela serait notre dernière nuit.

Je ne suis pas prêt à la laisser partir, même si je sais qu'elle fait tout pour me donner la force de continuer. Et tandis que les étoiles commencent à scintiller dans le ciel, je ne sais pas si, d'une manière ou d'une autre, j'arriverai à trouver la paix qu'elle m'a promise. Pourrai-je un jour voir ces étoiles à nouveaux sans que mon cœur soit empli de tristesse ?

Les minutes s'étirent comme des heures, chaque seconde passée auprès d'elle devenant un souvenir précieux que je chérie déjà. Le vent doux de la soirée fait bruisser les feuilles des arbres environnants, créant une mélodie apaisante qui semble accompagner les derniers instants de Léto. Je peux presque entendre les murmures des étoiles, comme si elles se préparaient à accueillir une nouvelle lumière parmi elles.

— Kaël, reprit Léto après un long silence, sa voix à peine audible. Promets-moi de ne jamais te perdre dans le chagrin. Trouve ta voie, et n'oublie jamais que tu es capable de tant de belles choses.

Je hoche la tête, les larmes coulant librement maintenant, incapable de contenir l'émotion qui m'envahit.

— Je te le promets, Léto. Je te promets.

Je mens. J'en ai conscience, je lui mens droit dans les yeux et beaucoup pourrait trouver que ce que je fais est mal. Mais lui dire la vérité serait beaucoup trop douloureux. Même si je ne suis pas près à la voir mourir, j'ai conscience qu'elle va partir et je veux que cela soit dans la paix. Et si cela implique que je doive vivre avec la lourdeur du secret jusqu'à la fin de mes jours, je le ferai.

Elle sourit faiblement, ses yeux se fermant lentement.

— Merci, Kaël. Je sais que tu y arriveras. Et souviens-toi, chaque fois que tu verras une étoile briller dans le ciel, ce sera moi, veillant sur toi, t'envoyant tout mon amour.

Elle rigole alors doucement avant de reprendre.

— Bon promis maintenant j'arrête les belles paroles, ne va pas croire que je suis devenue mignonne et romantique. Et encore moins sympathique.

Je rigole à mon tour. Mais si seulement elle savait comme j'aime entendre ces phrases là, comme j'aime entendre sa voix, comme je l'aime, même comme ça.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant