Chapitre 14: oui, j'ai tué

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       Les jours défilent et contre toutes attentes l'état de l'enfant s'améliore petit à petit. Chaque matin est maintenant porteur d'espoir et chaque soir notre cœur devient de plus en plus léger.

       Je ne comprends même pas ce que Léto a fait, qu'est ce qui a permis à cet enfant d'aller mieux sans même savoir ce qu'il avait ? Est-ce les plantes que nous avons cueillies le premier jour ? Ou bien celle des jours suivant ? Se pourrait-il même que cela soit la moisissure de pain ? Comment une chose aussi peu ragoûtante pourrait soigner qui que ce soit ? Non impossible, ce miracle est à coup sûr grâce à ces ravissantes petites fleurs aux pétales délicats.

       Le moment est venu. Enfin nous pouvons quitter cette maison et les allers-retours chez les parents de Léto pour expliquer que j'avais un travail monstrueux car tout le monde dans le village avait besoin de mes services de fleuriste, même de nuit.

       Je ne sais pas comment le père de Léto peut croire ce mensonge, je pense que cela vient tout simplement du fait qu'il ne porte aucun intérêt à sa fille. Quant à Rhéa, elle fait semblant de ne pas comprendre de toutes ses forces. Elle ne sait pas dans quel plan traîne sa fille, une part d'elle doit croire ce que dit le village et que son enfant est une sorcière, mais dans le doute elle préfère l'ignorance.

       Quant à moi le doute s'installe, Léto n'est-elle pas censé être une meurtrière ? Donc pourquoi sauver les autres ? Je commence à me demander si la crainte des habitants du village est justifiée.

       Enfin, le doute en moi ne s'installera pas longtemps. Lors d'une de nos marches jusqu'à la demeure des parents de Léto, elle décide de faire un détour par la seule forêt disponible dans ce climat désertique. Ce lieu est comme magique, comment autant de diversité peut-elle pousser alors que tout autour est mort, juste rempli de sable.

       Ici les animaux ne sont pas les mêmes qu'en dehors, il y a plus d'oiseaux, plus de mammifères de toutes tailles, plus d'insectes aux couleurs flamboyantes, plus de tout.

       Léto m'emmène alors dans un coin qui me surprend par son silence. Plus de chant des oiseaux, plus de bruit de pattes, plus de couleurs qui voltige, juste une prairie remplie de fleurs violettes aussi petites qu'une souris. Des milliers de petites souris à mes pieds qui ont l'air si inoffensives et adorables.

— Regarde bien Kha ces plantes font parties des plus importantes pour moi, m'explique Léto en en cueillant une pour que je puisse la voir sous tous les angles. Tu dois seulement la broyer, une seule suffit. Tu peux rajouter un peu d'eau pour que la mixture soit plus facile à avaler et c'est bon.

— Pourquoi sont-elles si importantes ?

J'ai du mal à comprendre comment une si petite chose, si fragile, qui pourrait disparaître d'un simple coup de vent peut-être aussi important.

— Car ces toutes petites créatures si fébriles sont celles qui libèrent de tous les maux et sans provoquer de souffrance à la personne qui la boit en une seule gorgée, une seule et unique gorgée et cela en moins de quelques secondes.

— Mais si elles sont si utiles et magiques, pourquoi ne pas en avoir proposé au jeune garçon ?

— Car il n'en avait pas besoin.

— Bien sûr que si, il souffrait tellement tu aurais pu l'aider avec cette plante. Nous avons mis des semaines à le soigner et maintenant tu me dis que grâce à ces petits pétales violets il aurait pu s'en sortir avec une seule gorgée et cela en moins de quelques secondes.

— C'est que j'ai proposé à ce garçon permet de rester en vie, cette plante l'aide à ne plus souffrir, il y a une grande différence entre les deux.

       Je crois que je commence à comprendre où Léto veut en venir, son message est limpide mais j'ai besoin de l'entendre de sa bouche. Si je dois l'emmener en enfer avec moi je dois être sûr. Je ne peux pas attendre de la prendre sur le fait si cela implique que la vie d'un autre soit en danger. Je devrais donc me contenter d'aveux, je suis persuadé que cela sera suffisant. Si elle avoue elle-même qu'elle tue des personnes sans que je ne lui aie mis aucune pression et sans torture je pense que je pourrais croire en la véracité de ses propos. Pourquoi mentir ?
De plus elle n'a pas l'air d'une menteuse qui cherche à s'inventer une vie. Certes elle ment sur notre prétendu mariage, mais cela sert ses intérêts, c'est donc compréhensible.

       Mais quel intérêt pourrait-elle avoir à avouer un crime ? Elle est seule dans toutes ses actions, je l'ai bien remarqué au cours de mes semaines à ses côtés, cela ne peut donc même pas pour protéger quelqu'un. De toute façon, Léto est seule tout court, elle n'a aucuns amis, son père l'ignore et sa mère joue aux aveugles.

— Et comment cette plante met-elle fin aux souffrances, quelle que soit la personne et quelle que soit la maladie ?

— En leur ôtant la vie. La mort est bien plus douce que ce que l'on pourrait le croire.

— Comment le sais-tu ? Tu as déjà tué ?

— Oui, et je ne saurais te décrire le sourire qui accompagne l'envolée de l'âme.

Enfin des aveux, tes jours sont comptés Léto car maintenant et grâce à tes explications je sais comment t'emporter avec moi dans l'autre monde.

— Cela veut dire que tu as déjà tué quelqu'un ? Qui ?

— Mon mari. Oui tout ce que dit le village est vrai depuis le début, je l'ai tué.

       Je suis trop sous le choc pour chercher à comprendre pourquoi elle aurait fait cela, mais là seule chose que je sais c'est que son mari maintenant, c'est moi.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant