Chapitre 9: Son père

127 17 0
                                    

Il est terrifiant même de loin. Et plus nous nous approchons plus mon cœur bat la chamade. Je ne sais pas si cela est dû au fait que je doive lui mentir, lui faire croire que j'ai épousé sa fille sans lui demander son avis ou bien si plus je suis proche de lui, plus son regard de glace vient me transpercer en plein cœur comme la stalactite la plus pointue de la montagne.

Je me répète en boucle notre plan, celui que Léto m'a expliqué encore, encore et encore. J'en avais marre qu'elle me répète sans cesse le même discours mais maintenant je regrette car j'ai le sentiment que plus je m'avance vers son père, plus la voix de Léto devient inaudible et notre plan avec.

Nous y voilà, je me tiens face à cet homme imposant et bien qu'il soit plus petit que moi je me sens minuscule à ses côtés. Sa femme et sa fille tentent de lui souhaiter la bienvenue mais il les ignore et s'avance vers moi le menton levé.

— C'est qui lui ? Qu'est-ce qu'un homme fout avec vous ? C'est une blague ? Je vous laisse seule quelques semaines et déjà vous devenez des catins ?

Il assène ses questions colle des coups de poing et ne laisse même pas le temps à Rhéa ou Léto de répondre. Il commence ensuite à enlever sa ceinture avant que Rhéa ne s'interpose entre lui et sa fille pour intervenir.

— Ozul arrête. C'est son mari, ne t'inquiète pas leur relation est pure, personne dans le village n'aura rien à dire, ils sont mari et femme. Répond-elle la voix tremblante de panique.

— Arrête de mentir pour protéger ta fille.

Je suis moi-même paralysé par la peur, je ne sais pas où Rhéa trouve la force de lui répondre.

— Non regarde, dit-elle en faisant un signe de la main à Léto pour qu'elle lui apporte le certificat de mariage, tout est en règle c'est noté ici, tu vois.

Rhéa pointe alors du doigt le petit bout de papier. Mon cœur palpite plus vite que le tambour sur le champ de bataille car cela est forcément un faux. Léto revient se repositionner à côté de moi après avoir donné la feuille à sa mère, soit à quelques mètres de son père.

— D'où sort ce bout de papier ? Chuchotais-je alors à Léto.

— C'est moi qui l'aie fait, me répond-elle sur la même tonalité.

J'écarquille alors les yeux et tente de me ressaisir la seconde qui suit pour que ma surprise ne soit pas perceptible par Ozul.

— Mais il va vite comprendre que c'est un faux à moins que tu nous aies caché des talents de faussaire. Il va reconnaître ton écriture.

— Ça ne risque pas. Tu vois là, il fait semblant. J'aurai pu lui donner la dernière gazette qui traite des ragots du village qu'il ne verrait pas la différence. Ici les mariages sont juste des bouts de papiers faits par les un pourcents de la population qui savent lire et écrire. Ils ne servent à rien pour tout le reste de la population. Ils ne sont utiles que pour cette élite, et juste pour vérifier s'ils doivent nous mettre en prison ou non pour mauvaises mœurs.

— Donc qui a écrit ça alors ?

— Moi.

Je dois encore une fois contenir mon haussement de sourcils.

— Tu sais écrire ?

— Bien sûr.

Elle me répond comme si cela était une évidence et que j'étais stupide de ne pas y avoir pensé.

— Ne le prends pas mal mais...

— Mais comment une simple petite paysanne sait écrire et fait donc parti de cette infime part de la population ?

— Oui, dis-je alors en baissant la tête, honteux de ma question.

— Vous posez beaucoup de questions Monsieur Kha, pour un époux vous me connaissez assez peu.

Je fais un petit sourire en coin, elle a raison je ne la connais pas alors qu'elle est plus que surprenante.

— Et quand ce un pour-cent verra ce petit bout de papier, tu n'as pas peur que notre secret soit dévoilé ?

— Non, car ils ne peuvent même pas imaginer qu'une personne extérieure à leur cercle de privilégiés soit capable d'écrire. Ils ne se poseront donc même pas de questions. La meilleure façon de berner tout le monde c'est de les laisser croire que vous êtes stupide, donc s'il te plaît garde mon secret.

Léto me fait un clin d'œil avec malice et grâce à elle j'en oublierai presque la présence angoissante d'Ozul. Par malheur pour nous, elle se rappelle avant même que nous ayons eu le temps de nous détendre, a voix d'Ozul vient briser cette ambiance presque agréable.

— Et elle a épousé ça ? Vraiment ? Je vais devoir annuler mes plans avec le vieux berger pour ça ?

J'ai l'impression que le « ça » me désigne, et en même temps ce n'est pas difficile à comprendre car Ozul me désigne avec de grands gestes que Rhéa essaye de contenir. Soudain je regrette de ne pas avoir mon masque, de l'avoir enlevé en chemin car j'avais chaud, je le remets donc aussi vite que possible. Comment ai-je pu oublier ce que j'étais ? Je me présente en monstre face à mon beau-père. J'aurai au moins dû avoir l'élégance de cacher ce que je suis.

Je me fais donc cette promesse à moi-même, je ne montrerai plus jamais ce que je suis à qui que ce soit. Enfin à part Léto bien sûr, elle m'a déjà vu donc il est trop tard pour se cacher.

Ozul s'approche de moi à grand pas, j'ai envie de reculer d'instinct mais je reste sur place, on m'a appris depuis toujours à ne jamais montrer ses peurs mon corps réagit donc à la place de mon cerveau.

— Toi là, comment vas-tu subvenir à ses besoins ? Tu as un travail au moins ?

Un travail, oui j'ai un travail Léto me l'a dit j'en suis sûr mais c'est lequel déjà ? Pourquoi je ne l'ai pas écoutée ? Elle vient donc à ma rescousse.

— Kha est fleuriste papa. Il vend des fleurs d'ornements et s'occupe des jardins des autres.

— C'est un métier ça ? À quoi ça sert ?

— Tu sais les fleurs sont importantes pour...

Ozul ne laisse pas Létoterminer sa phrase et secoue la main face au visage de sa fille pour la faire taire tout en tournant la tête vers la gauche d'agacement.

— Bon d'accord c'est bon, les fleurs c'est important, j'en ai marre d'étendre ça sortir de ta bouche en boucle. Les fleurs, les fleurs, encore les fleurs. Et la maison alors ? Vous allez vivre où ? Car je n'ai plus à te loger maintenant que tu as un mari.

— On a déjà une maison qui nécessite quelques travaux mais on pourra y être bientôt, promis.

— Dépêchez-vous alors.

Sans même attendre de réponse Ozul se retourne et part comme s'il avait déjà eu toutes les réponses à ses questions. Il voulait juste confier sa fille à un homme avec un travail et une maison pour se débarrasser d'elle, c'est tout. Et il a ce qu'il souhaite.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant