Chapitre 36: Brûlez

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Je n'ai plus de souffle mais je continue de courir même si cela doit me tuer. J'ai mis Léto en danger, à cause de moi des centaines de personnes qui la déteste ont trouvé une nouvelle raison de la faire souffrir. Je n'ai pas le temps d'attendre demain, nous devons partir ce soir, même tout de suite si c'est possible.

Lorsque j'arrive enfin, je remarque que Grigri attend devant notre petite maison. Rhéa doit donc être la maison, comme souvent ces derniers temps car elle aussi veut profiter des ultimes instants avec sa fille. Je ne sais pas si cela est une bonne nouvelle, je ne sais pas comment Rhéa va réagir, ce serait normal qu'elle soit furieuse contre moi pour avoir mis sa fille dans une situation aussi périlleuse.

J'ouvre la porte avec fracas et tous les regards se tournent vers moi. Je ne parviens pas à respirer il est donc impossible pour moi de parler pour l'instant, pourtant j'essaye de toutes mes forces. Léto se lève est accours vers moi, elle prend doucement mes mains et cela arrive à me détendre en quelques secondes.

—    Nous devons partir Léto, je suis désolé.

Je ne saurai dire si son regard et affolé ou interrogateur, peut-être qu'il est même un peu des deux lorsqu'elle me répond.

—    Partir ? Mais où ?

—    Je ne sais pas mais loin. Tout est de ma faute, je suis désolé.

—    Qu'est-ce qui est de ta faute Kha ?

—    Ils se doutent. Ils se doutent que tu es malade. Ils ont demandé, à te voir demain pour vérifier ton état de santé.

—    Kha, qu'avez-vous fait pour qu'ils pensent cela ?

Rhéa se lève en tapant sur la table. Ses joues sont rouges, ses mains sont blanches à forces de serrer les poings.

—    Calme toi Maman, je suis sûre que Kha n'a rien d'air de mal. Pas vrai Kha ?

Je bafouille, les mots ont du mal à sortir de ma bouche tellement je suis impressionnée par Rhéa et sa fureur. Mais elle mérite des explications claires et sincères de ma part.

—    J'étais au marché quand j'ai entendu une marchande et sa cliente discuter d'une étrange maladie. J'ai donc fait l'erreur de poser une question et cela a éveillé leurs soupçons à ton égard. Ils ont remarqué que tu ne venais plus depuis un certain temps, ils demandent donc à te voir demain pour vérifier ton état. Mais je ne pense pas qu'ils attendront demain, je crains qu'ils arrivent très prochainement. Donc prend tes affaires, nous devons partir.

—    Partir ? Mais où allez-vous partir ?

—    Je ne sais pas encore Rhéa, je n'ai pas encore eu le temps de réfléchir et je ne connais pas bien ce pays, mais nous allons trouver, je vous le promets.

Rhéa s'assied et commence à se calmer avant de prendre tout son sérieux pour s'adresser à moi.

—    Vous êtes sûr qu'ils vont arriver ce soir ?

—    Je ne peux pas l'être, mais je préfère faire preuve de trop de prudence que de laisser Léto en danger.

—    Et toi ma chérie, penses-tu que tu pourrais leur cacher ton état ?

Léto reste silencieuse, perdue dans ses pensées. Je sais qu'elle s'en pense capable mais j'ai peur, il suffit d'un seul mouvement pour que son secret soit dévoilé. Je la vois alors s'approcher de notre petite table à manger et essayer de se saisir d'une simple cuillère. Elle essaye une fois, puis deux, puis trois mais cela se solde toujours par un échec. Comme prévu sa main immobile n'est d'aucune utilité et la seconde est trop fragile pour les gestes précis, même les plus courants.

—    Non Maman, je ne pourrais pas. Kha a raison, nous devons partir. Ils auraient bien deviné un jour de toute façon, c'est déjà un miracle qu'ils n'aient rien remarqué jusqu'à maintenant. Je ne veux pas mourir maintenant, pas encore, et surtout pas entre leurs mains et dans d'atroce souffrances. Je vais préparer mes affaires, nous pourrons ensuite dire au revoir à la maison.

—    Mais... Et moi ? Je veux toujours te voir, je ne suis pas prête à voir partir ma petite fille, je ne suis pas prête.

Rhéa s'effondre au sol, les yeux remplis de larmes qui doivent être si douloureuse. Je n'arrive pas à imaginer la peine qu'elle doit ressentir. Elle venait juste voir sa fille, mais ne savait pas que ce serait la dernière fois. Tout est si brutal.

—    Vous pouvez venir avec nous si vous le souhaitez Rhéa, ose dire d'une voix frêle et coupable.

Rhéa n'a même pas le temps de répondre que Léto surgit dans la pièce et s'adresse à sa mère d'un ton ferme, que je n'avais encore jamais entendu.

—    Non Maman. C'est hors de question, tu m'entends, hors de question.

—    Mais pourquoi ? Je peux venir avec vous, je veux rester avec mon enfant.

—    Et après ?

Rhéa fait de grands yeux et reste la bouche ouverte de longues secondes avant de trouver ses mots.

—    Après quoi ?

—    Après ma mort. Nous suivre ne nous ferra gagner que quelques semaines ensemble mais fera du reste de ta vie un véritable cauchemar. Imagine ce que Papa fera à ton retour ? Ce que tout le village te fera à ton retour ? Tu ne vas pas pouvoir rester seule en exil avec Kha. Je m'en veux déjà assez de lui faire subir cela donc s'il te plaît ne rajoute pas cela à ma conscience. Si on te pose des questions tu m'as rejetée suite à mon procès car je suis une sorcière et tu es bien contente que j'aie disparue d'accord ? C'est le seul moyen pour toi d'avoir une vie paisible. Ne t'inquiète pas, Kha prendra bien soin de moi, tout ira bien.

Je détourne alors le regard pour laisser un moment d'intimité à mère et fille lors de leurs adieux riche en pleurs et sanglots. Malheureusement ils doivent être écourtés car des bruits menancants s'approchent dangereusement.

—    Prenez Grigri et la calèche, elles vont seront utiles, vous irez plus loin, plus vite avec elles.

—    Mais et toi Maman ?

—    Je dirais que la pauvre Grigri a eu un accident fatal et que la calèche est en morceau. De cette façon. Je serais aussi plus discrète pour rentrer chez moi.

J'aimerai leur laisser en plus de moment ensemble mais les voix se font de plus en plus précises je dois donc les presser. Rhéa arrive à partir par notre petite fenêtre et quant à nous ne prenons que deux sacs avant de courir vers Grigri.

—    Regardez, là ! Hurle un villageois qui nous est inconnu, la sorcière s'échappe avec son monstre de mari.

—    Allez chers camarades attrapez-la et brûlez-la sans remord. Elle est un danger pour nous tous. Que vaut sa vie contre les nôtres ? Contre des centaines ? Le calcul est rapide. La perdre elle c'est nous sauver tous, vous pouvez donc la tuer le menton levé.

Kha: L'amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant