Rouge

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Duo se précipita dans la pièce et referma la porte derrière lui. Par chance, celle-ci était équipée d'un imposant mécanisme de sécurité. Il le fit pivoter et des barres de fer glissèrent dans les gâches fixées au sol et au plafond, verrouillant la porte avec un bruit sourd.

À peine lui avait-il tourné le dos, que les montants commencèrent à tressaillir sous les coups. Il fallait faire vite.

La salle semblait prête à avaler son visiteur. Elle était basse de plafond, à la fois vaste et oppressante, recouverte d'écrans de contrôle éteints, alignés dans un capharnaüm indescriptible. Une vague odeur âcre de circuits électroniques brûlés flottait dans l'air.

Les chocs contre la porte cessèrent, laissant place au ronronnement régulier des machines, perturbé par de petits cliquetis irréguliers.

Tout autour de la pièce, le plan de travail était noyé sous des masses de papier en désordre. Le long du mur, des monticules se dressaient comme des dents prêtes à se refermer sur leur victime.

La poignée était certainement dissimulée derrière un de ces tas.

Duo écarta une imposante pile de briques de papier, révélant un cadre contenant une photo de Yōzō. Il affichait un sourire radieux, assis à côté d'une petite dame frêle au dos voûté, portant la même tenue que lui. Elle haussait les sourcils en levant le pouce, mais les reflets emprunts de tristesse de son regard trahissaient la fugacité de ce moment de bonheur.

La porte se mit à vibrer sous l'assaut de grésillements stridents. L'agresseur avait opté pour une nouvelle approche. Des étincelles se mirent à jaillir sur le haut de la porte.

Il dégagea deux autres monticules qui longeaient le mur, dévoilant encore quelques cadres d'un autre temps.

Aucune trace de poignée rouge.

Deux des barres de sécurité de l'entrée cédèrent dans un fracas sinistre. Il n'allait pas assez vite. La salle était trop grande. Il se mit à projeter les tas sur le sol l'un après l'autre, tel un dentiste fou dérapant dans la bouche d'un malade.

Rien ! Rien !

Tous les écrans s'allumèrent d'un coup après qu'il eut percuté un petit boîtier rond relié à un des claviers. Les tableaux de bord du Centre de Sauvegarde Universel recouvrirent les murs. L'un d'entre eux affichait le compte à rebours jusqu'à la prochaine mise à jour : plus que cinq minutes et quinze secondes !

Un bruit violent retentit et la porte s'ouvrit d'un coup, laissant place à un imposant robot gris barré de lignes jaunes.

— Monsieur Telni ! Mon agent préféré !

C'était R. Enfin, sa voix. Il avait piraté une machine de maintenance pour prendre corps en IRL0. Si ça se trouvait, il n'était même pas dans cette pièce.

Duo se plaqua contre le plan de travail. Cette fois, il n'avait aucune issue. Son espoir de tirer sur cette satanée poignée rouge s'était définitivement envolé.

Le robot reprit d'une voix grinçante :

— Vous voyez, je n'ai eu qu'à revêtir ce petit accoutrement pour vous rejoindre dans votre misérable bas-fonds. C'est d'un triste par ici. Heureusement que j'avais déjà utilisé cet attirail pour éradiquer la vermine qui infestait mon quartier. Cette société est infestée de cloportes, que l'on peut traiter aisément.

— Vous arrivez trop tard, j'ai déjà effacé toutes les données de sauvegarde, rétorqua le debugger en serrant les poings.

Il bluffait évidemment. Si l'autre se déconcentrait, il arriverait peut-être à le neutraliser.

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