6 novembre - 1

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- Aimé -

« 00 h 05.

À moitié endormi contre le mur, j'avais compris que quelqu'un me secouait. Lorsque j'avais levé les yeux, ils avaient rencontré ceux de ma cousine qui me fixait, inquiète. Aussitôt, je m'étais senti soulagé : elle allait bien et n'avait pas été arrêtée. Personne ne savait ce que les allemands faisaient à ceux qu'ils emmenaient, mais tous nous doutions de ne rien avoir à leur envier.

Jetant des regards affolés autour d'elle, elle m'avait demandé, à voix basse :

- Qu'est-ce que tu fais éveillé à cette heure-ci ?

- Je t'attendais.

Son visage, se couvrant d'un profond agacement, demeurait très éloigné de la réaction escomptée.

- Va dormir, m'avait-elle ordonné. À moins que tu n'aies besoin d'une histoire pour trouver le sommeil ?

Agacé, irrité par cet affront plus que ne souhaitais l'admettre, je m'étais senti rougir et n'avais pu m'empêcher de prier pour que, dans le noir, elle n'avait pas été en mesure de s'en apercevoir. Cependant, je n'avais aucun moyen d'obtenir la réponse pour enfin faire cesser ce trouble. J'avais répliqué en parlant fort (comme toute personne réveillée à minuit, dépourvue de l'entièreté de ses connections neuronales) :

- Pourquoi es-tu sortie ? Ça ne va pas ? Tu sais qu'il y a un couvre-feu, au moins ?

- Tais-toi ! avait ordonné ma cousine avec une panique qui n'avait pas suffi à me faire taire.

- Réponds-moi !

Me faisant mal, elle s'était emparée de mon poignet et, avec force, m'avait fait entrer dans sa chambre - celle de ma sœur pour être exact. Après m'avoir plaqué au mur, elle m'avait interrogé longuement. Qu'est-ce que je savais ? Pourquoi l'avais-je attendue ? Allai-je tout raconter à mes parents ?

À cette dernière question, j'avais répondu avec fermeté que c'était hors de question, à condition que ça ne se reproduise plus. M'entendant parler, j'avais l'impression d'avoir agi comme mon père l'aurait fait, et je ne savais pas vraiment quoi en penser. Si je considérais qu'il s'agissait simplement de conserver des valeurs tout-à-fait admirables telles que la confiance régnant au sein d'une famille ou le désir de la protéger, aujourd'hui j'en suis moins sûr. »


- Gabriel -

« 01 h 45.

J'avais marché dans les rues des heures durant. Les volets baissés, les rues vides, le faible éclairage, tout témoignait de l'heure tardive. Pourtant, je déambulais, les mains dans les poches, à la recherche, comme à chaque fois que le besoin d'argent devenait trop grand, d'une pierre égarée.

J'avais fini par trouver, au pied d'un arbre planté au bord de la route, sous la neige, un pavé que j'étais parvenu à retirer sans avoir besoin de forcer. Je m'en étais emparé et avais poursuivi ma route à la recherche d'une vitrine digne d'intérêt.

Peu après, j'étais parvenu devant l'une d'elles. Un boutique de bijoux. Sans parvenir à empêcher un sourire d'étirer mes lèvres, j'avais pensé : « Voilà qui fera l'affaire. » Seulement, une caméra de surveillance était installée. Pour calmer mon cœur et mes pensées défaitistes, j'avais pris une grande inspiration.

Pas de problème.

Mon ennemie se situant au coin de la rue, son œil attentif scrutant le moindre mouvement, le moindre signe de faiblesse de ma part, j'avais usé d'une de mes méthodes habituelles. J'étais passé devant elle en toute tranquillité, me félicitant d'avoir un tel cerveau – considère ça avec ironie. Aidé par le rebord de la fenêtre et la gouttière, le bras tendu, le pavé dans la main, j'étais prêt à frapper.

AiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant