6 décembre

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- Aimé -

« 10 h 00.

Tout aurait pu continuer comme ça avait commencé : beau, facile, sans avoir à mettre un mot sur tout ça. Seulement, il fallait croire que le destin n'aimait pas les relations mitigées entre deux garçons.

Les parents de Marcel et son petit frère venaient de quitter la maison pour rencontrer le maître du petit garçon, qui avait visiblement des problèmes de concentration.

Quel hasard. Venant d'une famille pareille, j'aurais pu le deviner.

A peine la porte d'entrée avait-elle claqué que, déjà, Jean était venu dans ma chambre. Son regard pétillait. Il m'avait attiré contre lui puis m'avait couché sur le lit, s'était allongé sur moi. Je sentais son pouls. Il battait toujours aussi fort. Boum boum. Boum boum. Le mien lui répondait, comme un écho. Boum boum. Boum boum.

Nos lèvres s'étaient rencontrées. Dans ce baiser comme à chaque fois que nous nous retrouvions, il y avait une urgence, une précipitation presque brutale. Nous savions, en toute conscience, que nous pouvions être arrêtés à tout moment et au-dessus de nos têtes flottait cette menace permanente.

Nous restions pourtant convaincus d'une chose : si nous restions à l'intérieur, personne ne représentait une réelle menace puisque les chances pour qu'on nous dénonce étaient très faibles, bien que présentes.

C'était ce moment-là, sur ces certitudes-là, que son frère avait choisi pour entrer.

J'avais réalisé le premier.

Jean tournait le dos à la porte. Moi, je voyais bien le petit garçon, et je savais bien ce qu'il allait faire. J'avais écarté Jean mais celui-ci avait insisté, alors j'avais dû le rejeter plus fort, allant jusqu'à le pousser et le faire tomber au sol.

Son corps avait heurté le parquet dans un bruit sourd et son regard trahissait une telle tristesse que j'avais senti mon cœur se serrer. Je ne voulais pas le blesser.

Comme un dernier mot, je m'étais adressé à lui et, avec toute la sincérité sont j'étais capable, j'avais soufflé :

- Je t'aime...

Avant qu'il ne comprenne la situation. Avant que son frère ne se mette à crier de toute la force permise par ses poumons. »


- Gabriel -

« 10 h 05.

Suite à un bête accident – j'avais oublié mes faux-papiers deux fois d'affilée -, ton père avait refusé que je continue à le suivre, ce qui expliquait ma présence à l'auberge dans laquelle nous avions mangé la veille. J'avais été embauché en tant que serveur, après de nombreuses négociations.

Il fallait du courage pour m'accepter, et je suis bien obligé de constater que la gérante en avait eu.

A tout moment, des allemands pouvaient réclamer les papiers de tous les employés de l'auberge pour vérifier que nous ne figurions nulle part dans leurs registres.

Auquel cas elle comme moi avions de grandes chances de mourir.

Mes faux papiers, bien que nécessaires, ne m'offraient pas une couverture certaine pour échapper aux allemands, pour le moment. Peut-être allais-je en avoir une autre, mais pas tout de suite. C'était donc un risque qu'il fallait assumer, et elle l'avait fait avec beaucoup de panache.

Il n'empêchait que je m'ennuyais, pensant à ce que ton père faisait, là-haut, dans la forêt. Tout cela était drôlement plus intéressant que ce que moi, je faisais – servir des vieux, récupérer leurs verres et assiettes vides puis nettoyer leur table et mettre assiettes et couverts pour les clients suivants.

AiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant