8 novembre - 1

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- Gabriel -

« 00 h 10.

J'avais cru que mon cœur avait cessé de battre.

La porte avait pivoté sur ses gonds avant de cogner contre le mur, laissant place à deux silhouettes. Celle d'Erna et une autre, que je ne reconnaissais – évidemment – pas.

Je t'avais jeté un coup d'œil mais tu semblais autant pris au dépourvu que moi. Nous n'avions pas bougé lorsque ta cousine avait franchi le pas de la porte et nous avait reconnus.

J'étais certain qu'elle n'avait pas apprécié notre petit surprise. »


- Aimé -

« 01 h 25.

La silhouette qui accompagnait Erna avait esquissé un mouvement et, dans un bruissement, avait sorti quelque chose de sa poche.

Après un frottement, l'allumette s'était embrasée, éclairant le visage d'un jeune homme d'environ dix-huit ans. A peine plus âgé que moi, il paraissait pourtant nettement plus adulte.

Il était emmitouflé dans une large veste qui m'empêchait de distinguer ses vêtements, son nez était droit, ses yeux et ses cheveux clairs et son teint particulièrement pâle. Il tenait dans ses mains une petite boîte qui portait l'inscription, en lettres majuscules : « Welt-Hölzer ».

Des allumettes allemandes.

- Qu'est-ce que vous faites là ? avait demandé Erna précipitamment.

Choqué, je ne savais même pas quoi répondre. Tu t'en étais rendu compte et avais parlé à ma place :

- Comment ça, qu'est-ce qu'on fait là ? T'es sortie dehors, en plein couvre-feu. Tu veux mourir ?

- Pour qui te te prends, toi ? Ça ne fait même pas deux jours qu'on t'a accepté parmi nous. Tu pourrais être un minimum reconnaissant !

Sentant que la situation dérapait, j'avais décidé de prendre les choses en main, avec une autorité déroutante, même pour moi :

- Erna. C'est qui ?

J'avais désigné rapidement l'homme à ses côtés et elle m'avais ignoré.

- Et toi, tu ne dis rien ? A peine arrivé que déjà il se permet de me parler comme ça. Qu'est-ce que ça sera dans une semaine ?

- Erna ! Le problème vient de toi, pas de lui !

Vaincue, elle avait soupiré longuement et, après quelques secondes, avait soufflé :

- Aimé, Gabriel, voici Markus. Markus, voici Aimé et Gabriel.

- Je suis son petit-ami, s'était présenté le garçon concerné.

Le regard paniqué que ma cousine lui avait jeté n'avait rien à voir avec le mien ou le tien. »


« 02 h 00.

Comment ça, son petit-ami ?

Je ne comprenais pas, et pourtant quelque chose m'avait poussé à lui promettre de ne rien dire à personne.

Avant de quitter le jeune homme, Erna l'avait embrassé mais ni toi ni moi n'avait détourné le regard. Nous semblions aussi perdu l'un que l'autre, et pourtant ça ne me réconfortait pas le moins du monde.

Je sentais le besoin de comprendre. Il parlait français comme un français, avait un appartement dans la ville, mais un détail avait tout fait basculer.

AiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant