20 novembre

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- Gabriel -

« 07 h 45.

Nous avions fait une pause sur un parking désert pour dormir et éviter les accidents. Aux alentours de trois heures et demi, nous avions repris la route et étions retournés en zone sud, à peine moins fatigués. Le laissez-passer n'avait plus suffi et les contrôles avaient été réalisés impeccablement par allemands et policiers, mais nous n'avions rien à cacher. Enfin, moi, c'était sûr.

Après avoir monté une route si raide qu'elle semblait verticale, ton père avait arrêté la voiture. Nous étions descendus et j'avais récupéré ma valise pendant que le colonel enfilait de grosses chaussures et un sac à dos de randonnée.

Dans ton pantalon au pli parfait, je ne me sentais pas vraiment à ma place. Où allions-nous ? Je n'avais pas eu le temps de poser la question que déjà ton père grimpait un chemin menant je-ne-sais-où. »


« 08 h 15.

Ce n'était pas une randonnée mais une véritable ascension, dans l'unique but d'atteindre un chalet à la lisière d'un bois, éloigné de toute route – et donc de toute civilisation. Même les randonneurs les plus expérimentés souffriraient dans cette montée tant elle était éprouvante.

Tu vas rire : imagine-moi montant sur un chemin dans la forêt, couvert de neige, habillé comme un dimanche et traînant une lourde valise derrière moi. Autant dire que ce n'était pas tout-à-fait adapté et tu peux assez aisément deviner mon soulagement à notre arrivée.

Le médaillon tapait contre ma poitrine mais je m'y étais habitué. Depuis mon arrivée ici, je ne l'avais plus quitté, comme s'il me portait chance. Jusqu'ici, cette théorie s'était, à de nombreuses exceptions près, confirmée.

L'habitation, faite entièrement en bois, sentait le feu et le pain. Au centre de la pièce, on retrouvait un large poêle en fonte que ton père avait immédiatement allumé. Il fallait chauffer l'habitation immédiatement si nous voulions faire sécher nos vêtements et manger chaud.

Il m'avait fait faire un rapide tour des lieux et m'avait laissé un peu de temps pour m'installer dans une petite chambre, étroite. Dedans, on retrouvait un lit superposé, une petite étagère, de quoi ranger mes vêtements et des photos de famille.

Parmi elles, j'en avais retrouvé une qui te montrait, enfant, le visage rond et souriant, jouant dans le bachal avec des figurines. Derrière toi, on voyait ton frère, penché au-dessus du berceau dans lequel se trouvait ta sœur, encore bébé.

Je n'avais pu m'empêcher de sourire en voyant le cliché suivant, vous montrant tous les cinq en maillot de bain, devant un lac d'où sortaient des roseaux, spectateurs du curieux spectacle qui se déroulait sous leurs petits yeux. Ton père, avec moins de cheveux blancs – et plus de cheveux tout court - ne manifestait pas le moindre bonheur mais il serrait fermement la main de ta mère.

Toi, à côté de l'homme, avait, posée sur ton épaule, sa main. Et tu semblais le plus heureux, le plus fier de tous les petits garçons. »

AiléOù les histoires vivent. Découvrez maintenant