Chapitre 14

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SCALDRIS

Joy dort encore. Il faut que j'aille acheter une ou deux couverture au marché transparent. Je traverse la deuxième pièce, ouvre sur la table un des cahiers de Joy, et déchire un coin de page. Je gribouille un petit mot dessus, puis le repose sur la table. Je prend mon vieux sac, d'un gris délavé, comme les murs de ma chambre, comme le quartier banni, comme le ciel aujourd'hui. Je fourre dans mon sac une pair de chaussures et une écharpe, que j'ai trouvés dans les bacs de décharge en allant me promener en ville il y a quelques jours. Avec de la chance, je pourrai les échanger contre des couvertures. C'est difficile d'en trouver dans les bacs, la mode n'a pas d'effet sur elles, alors personne ne souhaite s'en débarrasser. Je sors, et referme doucement la porte derrière moi. Je traverse plusieurs rues. Ça et là, il y a des fils électriques qui pendent, inutiles depuis que ce quartier a été banni. Les ruines des anciennes usines s'effondrent, le lierre les escalade, seule tache de couleur dans cette immensité grise. Il fait froid, comme moi, le vent glacé de l'hiver s'engouffre dans les rues. Nous ne sommes pas les seuls, j'entends des pas, dans mon dos. Je me retourne. C'est Trystaël, je vois son poing qui se rapproche dangereusement de mon visage... Puis plus rien. Juste le noir, et la douleur. Le vide qui me gagne, me fait tout oublier.

J'ouvre les yeux, lentement, aveuglé par la lumière qui se faufile entre mes cils. Je ne me souviens plus, tout est flou autour de moi, impossible de dire ou je suis. Les images se précisent, je reconnais le plafond de ma chambre. Puis, soudain, ça me revient : le matin clair, puis le chemin vers le marché transparent, le gris des nuages... et enfin le noir. Plus rien. Je ne sais plus. Comme si quelque chose manquait. Et puis d'un coup les questions, par dizaines : Qu'est-ce que je fais ici ? Ou est Joy ? Que s'est-il passé !? Que fait Trystaël chez moi ? Car en effet, il est bien là, à quelques pas du lit... Il s'aperçoit que je suis réveillé :

- Ça va ? Tu t'souviens de quelque chose ? Ton malaise, tout ça ? (Je secoue la tête, pour lui faire comprendre que non, je ne me souviens de rien, nada) Tu m'as fait une sacrée frayeur, dis donc ! Moi je me rendais tranquillement au marché transparent, comme toi je suppose, lorsque je t'ai trouvé, avachi sur un banc dans un quartier désert. Je me suis approché et j'ai aussitôt compris que tu étais inconscient. Tu as dû faire un malaise, la faim, ou la fatigue... Sur le coup j'ai eu tellement peur qu't'aies chopé la grippe mortelle, mais bon, finalement ça va, plus de peur que de mal, comme on dit. Puis j'ai tenté de t'réveiller, pas moyen ! Il a fallu que je te ramène chez toi. D'ailleurs, j'en ai complètement oublié d'aller au marché, moi, dans tout ça ! Bon ben faut qu'je te laisse, hein, tu m'préviens si t'as besoin d'quelque chose, ok ? Allez, salut !

Il sort, enfin ! Ma tête retombe sur le matelas, lourde de fatigue.

Pour quelques mots qu'ils pensaient si fortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant