2 - Projets d'avenir (2/2)

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Perrine fit face au vicomte et effectua une révérence maladroite.

— Veuillez m'excuser, des tâches de haute importance requièrent mon attention immédiate. Puis-je espérer que vous retrouverez la sortie tout seul ?

Le juron en retour réjouit Perrine. Alors qu'elle marchait vers Arthus, dont les yeux émeraude contenaient un reproche, la musique cristalline de la cloche l'enchanta. Son adversaire capitulait enfin !

Une voix juvénile la détrompa :

— Cousin Essam, je voudrais celui-là.

Perrine fit demi-tour et découvrit un garçon dans les six ans, copie conforme du noble, qui tendait une araignée de la taille d'une main. Voilà pourquoi, elle ne l'avait pas vu à l'extérieur du magasin : les jouets « d'horreur » étaient rangés dans une partie éloignée du jardin afin de ne pas effrayer les dames et petites filles de la bonne société.

L'enfant, inconscient des adultes figés autour de lui, tourna une clé sous le ventre de l'automate, puis le posa au sol. Seul le son des huit pattes contre les larges dalles résonna, jusqu'au moment où l'insecte fila droit vers Perrine. Le garçon s'esclaffa. Son rire mourut lorsqu'elle récupéra le jouet.

— T'as pas peur de lui ?

— Ce n'est qu'une machine, répliqua-t-elle en tendant l'automate.

Le visage du gamin se froissa :

— Alors, j'en veux pas. Je veux quelque chose qui fera crier ma petite sœur. 

Sa petite sœur ? Ils éduquent leurs enfants comment dans la famille Devildiur ?

La réaction du vicomte fut donc surprenante. Il s'accroupit et détacha les mots pour parler.

— Ton rôle est de la protéger, Nabil, certainement pas de l'effrayer.

— Mais Hasna est méchante avec moi quand on joue ensemble, protesta le garçon. Elle me tire les cheveux ou me tape, elle me fait mal.

— C'est encore un bébé, elle ne s'en rend pas compte. Tu dois être patient et lui expliquer avec douceur que ses gestes te blessent. Si l'araignée te plaît, tu peux l'utiliser avec tes amis, mais juste entre vous.

— Et pourquoi, la dame du magasin, elle n'a pas peur ?

Essam Devildiur se releva, récupéra l'automate, avant de rétorquer :

— Parce que c'est plus une dame.

Le naturel revient au galop, au revoir le parent attentif.

Des picotements parcoururent la paume de Perrine, une envie de gifler son adversaire la démangeait. La présence du petit garçon qui les fixait tour à tour la retenait. Heureusement. Un rictus de vainqueur étira les lèvres de Essam Devildiur, qui retrouva son ton hautain.

— Arthus, la nourrice de Nabil nous attend dehors, nous devons nous dépêcher. Vous ajouterez l'araignée à ma note.

— Entendu, Monsieur le Vicomte.

Le noble attrapa la main de l'enfant et sortit, après un dernier salut, auquel Perrine répondit d'un hochement sec de la tête. L'air lui sembla ensuite plus pur, la vanille qu'employait Arthus pour embaumer le magasin plus intense. Elle apportait une paix bienvenue... d'une durée trop courte.

— Perry, si tu continues ainsi, tu t'attireras de gros ennuis !

— Certainement pas plus que durant le collège, ou l'aurais-tu oublié ?

Son regard plongeait dans celui émeraude de son frère, qui s'assombrit ; elle n'avait pas besoin d'en ajouter plus.

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Pour une poignée de steamglas T1 : Déchéance et engrenagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant