10 - La salle clandestine (1/2)

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Perrine resserra sa cape avec un frisson, tant contre la fraîcheur de la nuit que contre l'ambiance déprimante des lieux. Un hangar de briques, rouge foncé comme le sol, semblait saigner sous le halo d'une lune gibbeuse au milieu du plateau semi-boisé.

Manqueraient plus que des vampires.

Comme si la forêt sombre aux alentours souhaitait la contredire, elle laissa échapper un hurlement à la mort. Perrine retint un cri, une main crispée sur la poitrine, avant de se raisonner. Les êtres surnaturels n'existaient pas. Quelques loups et ours hantaient les montagnes, que nobles et bourgeois aimaient chasser pour la gloire... et en plein jour.

Quelle idée d'organiser une entrevue dans un tel endroit ! 

Perrine avait demandé une audience secrète avec les souverains en passant par son oncle, et leur réponse l'invitait à se rendre dans ce lieu incongru vers 23 heures. Le manoir de chasse dans le quartier des aigles ou un des tripots dans les montagnes, derrière un masque, lui aurait mieux convenu, même si elle ne se qualifiait pas une froussarde.

Ou s'agirait-il d'un piège ?

Cette fois, un éclat de rire hautain dans son dos entérina sa question. Perrine se reprocha aussitôt son absence de vigilance : elle n'avait pas entendu les graviers crisser sous les chaussures d'un ennemi potentiel. Une grave erreur. Que faire ? Le hangar se trouvait trop loin pour s'y réfugier, son moyen de défense se limitait à ses dagues au poignet.

Un de ces jours, je devrais récupérer un pistolet.

Un de ces jours... si elle s'en sortait vivante.

Perrine se retourna, les doigts prêts à déclencher ses armes. Un homme et une femme, d'après les tailles, enveloppés chacun d'une cape se rapprochaient. Ses muscles se tendirent et son souffle se saccada... jusqu'à ce que l'inconnue soupire :

— Encore un nouveau !

Un nouveau ?

Que voulait-elle dire ? Perrine ne reliait pas la remarque à son déguisement masculin, dont le couple ne pouvait apercevoir que le bas du pantalon, mais bien au sens. Nouveau signifiait que plus d'une personne se rendait dans le hangar. Dans quel but ?

Alors que les visiteurs nocturnes la dépassaient, l'homme ralentit et jeta d'une voix condescendante :

— N'ayez pas peur, les abords sont sécurisés.

— Dépêchez-vous, mon ami, ne nous retardez pas plus, le tança la femme. Le match a peut-être déjà commencé.

Le match ?

Imiter un perroquet à tous les propos abscons ne l'aiderait pas à comprendre ! Toutefois, ils la renseignaient sur l'absence de danger : les personnes de la bonne société, reconnaissables à leur langage, ne se promèneraient pas à cette heure indue ici. Un aérocab les avait certainement déposées, comme elle-même, en contrebas du plateau. Il se terminait en précipice, parfait pour servir de ponton naturel.

Rassérénée, Perrine emboîta le pas au couple, lequel gagna une porte en bois, située à l'extrémité du hangar. Quand il frappa, un judas s'ouvrit, se referma. Des verrous métalliques qu'on déclenchait brisèrent ensuite le silence. L'homme se pencha vers Perrine et souffla :

— C'est juste une mise en scène.

— Mais tellement excitant, jubila sa compagne. Nous devrions leur suggérer de donner un mot de passe.

Toujours à la recherche d'émotions... en sécurité.

Car s'ils le voulaient vraiment, il leur suffisait d'arpenter les cloaques et les pauvres hères de Nébelisse, sous l'infâme brouillard.

Pour une poignée de steamglas T1 : Déchéance et engrenagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant