27 - L'ultime défi (3/3)

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Perrine retint un rictus : la remarque de Honoré Fidulas ne plaisait pas au patron du Lynx des aérocabs. Ses lèvres se pinçaient, son visage ressemblait à une porte de prison. Et surtout, il évitait de la regarder.

Vous n'aimez pas qu'on déjoue vos mensonges, monsieur Morisot !

L'ambiance, déjà froide, avait baissé de plusieurs degrés. Pourtant, elle ne contrariait pas l'hôte de la soirée, il s'en amusait même.

— Si ce manoir m'appartenait, je changerais toute la décoration. Vivre dans le passé me donne des boutons, je préfère nos automates ou les tableaux impressionnistes. Qu'en pensez-vous, Vincent ?

— Avec une mère et une cousine, peintres, je ne vous contredirai pas, mon ami.

Mon ami ? Ça y est, les voilà larrons en foire, à nouveau ! Fidulas ferait mieux de devenir associé avec lui au lieu de le tuer.

Non, au lieu qu'elle l'assassine. Pendant que les deux hommes échangeaient leur point de vue, avec des sourires de façade, Perrine déglutissait. Son pouls battait plus vite à ses tempes. Agréer à un meurtre de sang-froid dans la cave était une chose, exécuter la sale besogne, une autre. Le président de CarboIndus lui demandait de se transformer en criminelle.

— Cette couleur bleue et ces fleurs, quelle mièvrerie ! Le cuivre, le métal, le bois et le verre apporteraient du caractère à cette bibliothèque.

— Avec votre mappemonde, bien entendu. J'espère un jour l'admirer, il paraît que chaque pays sort de son socle quand vous le touchez et se déploie en trois dimensions.

Un jour, un jour...

Le mot, si insignifiant, résonnait sous le crâne à l'infini de Perrine.

Vous ne le verrez jamais ce jour. Pourquoi êtes-vous venu ici ?

Pire, Vincent Morisot avait refermé la porte et s'était assis sur la méridienne, sa canne posée au sol. Il avait abandonné sa seule arme ! Si elle parvenait à le renvoyer de la pièce, il survivrait. Sa fratrie survivrait.

Et elle collaborerait avec Fidulas.

Perrine tenta de capter l'attention de Vincent Morisot. En vain. Le président de CarboIndus en gardait la primeur.

— Je parle, je parle, déclara-t-il. Vous vous demandez la raison de ma convocation, mon cher Vincent ?

— On ne vous cache rien, mon ami !

Arrêtez de vous taper dans le dos, il désire votre mort !

En fait, j'ai découvert quelque chose d'étrange. Connaissez-vous vraiment monsieur Lodel ?

— Pas plus que vous. Sans votre invitation, il resterait un parfait quidam de mon club.

— Alors, vous allez me remercier. Voudriez-vous ôter votre masque et votre accoutrement, jeune homme ?

Et si je le lui balançais à la tête ?

Mais Perrine s'exécuta, la vie de son frère et sa sœur dépendait de ses actes.

— Je vous présente mademoiselle Perrine Beauciel, la benjamine de ce manoir, chargée de voler les carnets de son père qui contiennent des informations précieuses sur les steamglas. Que je suis bête ! Ce point, vous le savez déjà, puisque les souverains vous ont ordonné de la protéger contre le méchant. Moi, en l'occurrence.

Vincent Morisot ne cilla pas une seconde. Cette fois, il la fixa et elle tenta de lui passer son message.

Quittez cette bibliothèque, tout de suite !

Pour une poignée de steamglas T1 : Déchéance et engrenagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant