20 - Le cours de pilotage (2/2)

75 21 0
                                    

La tension positive permettait à n'importe quel aéronaute de franchir les moments les plus dangereux d'un vol : le décollage et l'appontage. Perrine s'empressa de défaire les deux amarres en commençant par la poupe, puis par la proue. La distance bien en tête, elle sauta pour rejoindre son siège.

Ses pieds ne rencontrèrent pas le plancher mouvant de l'aérocab.

Son cœur remonta dans sa poitrine.

Sa tresse s'envola.

Elle chutait !

Le hurlement des élèves pilotes déclencha ses réflexes de survies. Ses mains crissèrent sur la coque de la nacelle, avec un bruit horrible, comme si ses ongles s'étaient transformés en griffes. Le bois brûlait sa peau, elle s'en fichait. Mourir bêtement après tout ce qu'elle avait enduré depuis son enfance ne se concevait pas.

Arthus et Melinah lui passeraient un sacré savon !

Sa ténacité fut récompensée : ses doigts agrippèrent la barre des lampes, et tous ses organes subirent l'effet de la pesanteur. Lorsque ses lèvres desséchées relâchèrent un soupir de soulagement, un regard gris pâle, sous une masse de cheveux blancs, la félicita.

Du balai, Vincent Morisot ! Je ne suis pas encore sortie de l'auberge.

Ce fut à cet instant qu'une phrase toujours répétée atteignit ses oreilles :

— Sautez, mademoiselle Beauciel, vous ne risquez rien !

La professeure s'époumonait, un index pointé vers quelque chose à côté du ponton. Le filet ! Perrine avait oublié cette sécurité élémentaire qui balisait la plateforme... en cas de loupé... dans son cas actuel. Même sa mémoire infaillible l'avait abandonnée.

Rouquin, avec ma bêtise, tu te passeras de mes caresses quelques jours, désolée.

Bon, elle y gagnait dix mètres à sauter, de quoi approcher le septième ciel que les livres sur la sexualité pour les hommes mentionnaient. Perrine grommela, les provocations avec Vincent Morisot la dévergondaient un peu trop. Il était temps de se calmer.

Et de sauver sa peau.

Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir ses paumes, deux mains noires saisirent ses poignets. Les yeux étonnés de Perrine remontèrent le long du bras jusqu'au visage de la même teinte sur le fond bleu du ballon. Essam Devildiur l'avait rattrapée.

Vaut mieux tard que jamais.

— Lâchez-moi, le filet me retiendra, lui cria-t-elle.

— Demandez-le-moi gentiment, mademoiselle Beauciel, très gentiment.

Cette fois, son cœur manqua au moins dix battements. Devildiur profitait de sa maladresse, à moins que...

À moins qu'il ait poussé le brûleur pour que l'aérocab s'envole plus vite.

Sa mémoire, enfin claire, rejoua la scène au ralenti jusqu'à s'arrêter sur une image en particulier. Son ennemi se tenait debout dans la cabine des clients... une main sur le siège instructeur. Elle aurait pu facilement accéder à la commande. Il ne fallait pas beaucoup pour lâcher l'appareil, un réglage enfantin chez un pilote chevronné.

— Vous avez provoqué mon accident ! hurla Perrine.

Les sourcils du noble se haussèrent, au-dessus des yeux emplis de mépris.

— Tu te crois toujours plus forte, je n'allais pas laisser passer l'occasion de rabaisser ta langue trop pendue. Je veux t'entendre me supplier, me promettre de courber l'échine devant moi.

Pour une poignée de steamglas T1 : Déchéance et engrenagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant